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Critiques de Pierre Rondeau (1)
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Pourquoi les tirs au but devraient être tirés a..

Dans la quinzaine qui vient de s'écouler, le monde du football aura été marqué par trois évènements :



- la défaite historique du P.S.G. contre le Barça ou la victoire historique du Barça contre le P.S.G. selon le point de vue adopté;



- la proposition par un député russe de faire des bagarres de hooligans un sport. L'artiste contemporain Cyprien Gaillard a mis en musique, notamment pour le clip de « See you all » de Koudlam, un affrontement entre « supporters » russes, ce qui peut donner une idée de ce que serait ce nouveau sport, qui n'est pas sans rappeler quelques évolutions suggérées par Enki Bilal dans Hors-Jeu - pour rappel, la Coupe du monde de football se déroulera en 2018 en Russie;



- l'International Football Association Board (IFAB), instance garante des lois du jeu, envisagerait de réformer les séances de tirs au but et d'adopter des séquences de type ABBA - un tireur de l'équipe A, puis deux tireurs de l'équipe B, puis un tireur de l'équipe A - en se rapprochant de l'ordre des services d'un tie-break de tennis.



Ces trois événements sont de nature et d'importance différentes et ne relèvent pas des mêmes catégories d'analyse. Au programme donc : un événement relatif au jeu en lui-même et à la glorieuse incertitude du sport comme il est de coutume de la qualifier ; un événement relatif aux dommages collatéraux entourant le football ; et un événement relatif aux lois du jeu. le troisième, celui qui touche les lois du jeu, est en résonance avec Pourquoi les tirs au but devraient être tirés avant la prolongation de Pierre Rondeau.



Dans ce livre à base d'anecdotes, de citations de footballeurs (Cruyff, Maradonna,…), de recherches académiques en économie du sport, en théorie des jeux, en psychologie, Pierre Rondeau rappelle dans des chapitres courts l'histoire du pénalty et des tirs au but qui ne faisaient pas partie des lois du jeu à l'origine, revient sur les raisons de l'introduction de cet exercice, rappelle certaines séances de tirs au but et de pénalties mémorables (celles du Mondial 86 pour les Français) et fait une proposition plus radicale que l'IFAB pour réformer le football et l'exercice particulier des tirs aux buts. Comme le titre l'indique, Rondeau propose de tirer les tirs au but à l'issue du temps réglementaire puis de jouer la prolongation. À l'issue de la prolongation, si le score est toujours de parité, le gagnant de la séance de tirs au but serait déclaré vainqueur.



Pour en arriver à cette conclusion, Rondeau utilise la théorie économique et les résultats d'études. Il ressort qu'une séance de tirs au but est en réalité un jeu déséquilibré - il n'y a pas 50% de chances de la perdre ou 50% de la gagner -, dans lequel l'ordre des tireurs est important, dans lequel il serait préférable de tirer au milieu des cages - mais peu de tireurs le font pour éviter la vindicte populaire en cas d'échec ; et finalement Peter Handke avec L'angoisse du gardien de but au moment du pénalty s'est égaré -, et pour lequel il est important de s'entraîner - peu d'équipes s'entraînent de façon régulière.



En ce qui concerne la réforme de l'IFAB, Rondeau précise que, par rapport à la séquence ABAB ABAB - l'ordre actuel -, la séquence ABBA ABBA permettrait de réduire le déséquilibre en passant de 60-40 en faveur de la première équipe à 54-46. C'est moins déséquilibré mais le déséquilibre demeure toujours. En se basant sur les travaux de son collègue Ignacio Palacio-Huerta, Rondeau suggère la séquence ABBA BAAB - c'est la séquence de Prouhet-Thue-Morse utilisée pour la première fois par le mathématicien français Eugène Prouet en 185, redécouverte par le mathématicien norvégien Axel Thue en 1912 et redécouverte par Marston More en 1921 pour résoudre un problème de géométrie différentielle - et pour laquelle le rapport est de 51-49. le déséquilibre demeure même si l'on se rapprocherait avec cette séquence d'un 50-50.



Rondeau va plus loin que la seule adoption de la séquence de Prouhet-Thue-Morse en proposant de tirer les tirs au but avant la prolongation,ce qu'il justifie ainsi « avec cette règle, plus d'erreur individuelle, plus de défaite par la faute d'un seul homme, plus de victime particulière, plus de responsable, plus de coupable. La défaite, ou la victoire, en incomberait à l'équipe tout entière. Si un joueur, comme Juanfran, avec l'Atletico contre le Real, ou Zaza, avec l'Italie contre l'Allemagne, en quart de finale de l'Euro 2016, rate sa frappe et n'arrive pas à marquer, pas grave. Il pourra, avec ses coéquipiers, tenter d'inverser la tendance durant les 30 prochaine minutes. « L'effet cathartique serait immense. Ce serait, une nouvelle fois, les équipes et pas des individus qui gagneraient le match. Une fin certainement plus en phase avec ce qui demeure, après tout, un sport collectif. » ». C'est un noble projet que de faire reposer la victoire ou la défaite de ce sport collectif majeur sur une oeuvre collective plutôt que sur un exploit ou un échec individuel.



La proposition de Rondeau peut paraître saugrenue mais son argumentation est assez séduisante. Dans tous les cas, comme Rondeau l'indique et comme ne le fait que très/trop peu l'IFAB, « Il faut vraiment que le foot évolue, change,s'adapte aux nouvelles contraintes, aux nouveaux événements. On ne peut maintenir des règles qui avaient cours il y a plus de 50 ans, avec des situations, des caractères et des personnalités différentes. le sport doit réfléchir à une révolution du jeu, à une protection des son charme et de sa beauté, sinon l'ennui et la déception risquent de s'installer définitivement… ». En matière de football, il y a les tenants du football régulier et ceux du football séculier.



Marqué à la culotte par une préface de Chris Anderson & David Sally, auteurs de The Numbers Game: Why Everything You Know About Football is Wrong et une postface de Wladimir Andreff, auteur d'un manuel de référence en économie du sport, l'essai de Rondeau est stimulant. Il montre que des sujets « saugrenus » - la postface d'Andreff inscrit l'essai de Rondeau dans les travaux de Levitt et Dubner - comme le football et les tirs aux buts peuvent aider les économistes - un des chapitres s'intitule « Pourquoi les pénalties peuvent-ils aider les économistes? » - et notamment l'économie expérimentale et les statistiques. En effet, « ces résultats représentent, pour la première fois, dans l'histoire de la jeune économie expérimentale et des stastiques, une démonstration de l'existence empirique du théorème du minimax. Il existe dans la vraie vie. » - en théorie des jeux, le mimimax consiste pour faire simple à minimiser la perte maximum ; découvert théoriquement par von Neumann, ce dernier n'a jamais pu démontrer empiriquement l'existence d'un minimax jusqu'à sa mort.



Le livre de Rondeau est une espèce de pendant théorique du récent livre de Gigi Riva sur le dernier pénalty. Histoire de football et de guerre - et Handke fait lui-même un pont entre le football avec son livre et sa position singulière sur la guerre de l'ex-Yougoslavie.
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