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Citation de EtienneBernardLivres


Sorti du collège depuis trois années, il avait trouvé, sur le seuil de cet établissement scolaire, l'oisiveté qui l'avait pris par le bras.
Unique enfant d'une mère qui cédait à ses caprices et avait assez de fortune pour les réaliser tous, il avait décidé qu'il donnerait sa vie à la profession qui s'appelle vivre de ses rentes.
Il ne savait pas, le malheureux, combien terrible est cette profession-là. Il commençait à s'en apercevoir.
Léon avait prétendu choisir pour unique souci le plaisir, sans soupçonner ce qu'il faut de philosophie pour être Épicurien. Pauvre Léon !

Il avait cherché l'élégance et, faute de goût, il ne parvenait qu'à faire railler ses maladroites excentricités.
Il haïssait les exercices violents et il montait à cheval parce que la mode l'exige.
Il détestait le cigare, et il fumait parce qu'il est de bon genre de sentir la tabagie.
Il aurait voulu être couché tous les jours à neuf heures, et il passait quatre nuits par semaine, parce que le code du plaisir a un article sur ce sujet.
Il était de l'humeur la plus pacifique, et il ferrailait deux heures par jour à la salle d'armes, parce qu'il est bien porté d'être prêt à couper la gorge à autrui.
Il s'était fait enfin recevoir membre du Cercle des Mioches, où il perdait régulièrement au lansquenet ses vingt-trois louis par semaine, tout en professant pour le jeu la plus profonde des aversions.

Vous voyez que pour rendre complet le bonheur d'un gaillard aussi fortuné, il ne manquait plus que le chapitre de la galanterie.

C'était précisément ce qui amenait monsieur Léon Durozoir dans la rue Neuve-Coquenard.
Il avait rencontré Jeanne à la petite réunion bourgeoise où l'avait par hasard conduit un ancien ami de collège.
Elle était jolie, point important pour le cas où il la promènerait à son bras.
Elle paraissait pauvre, ce qui augmentait les chances de l'attaque, en diminuant celles de la résistance.
Monsieur Léon résolut de tenter le siège.

Non pas qu'il aimât Jeanne. Allons donc ! On avait au Cercle pour premier principe de ne jamais aimer. Mais on avait pour second principe qu'une maîtresse est un objet indispensable, au même titre qu'un porte-cigare ou des boutons de manchettes.
Et monsieur Léon n'avait pas encore pu se procurer l'objet indispensable, par suite d'une timidité excessive doublée d'une horreur candide pour les aventures. De là, le choix qu'en sa sagesse chevaleresque, il avait fait d'une fille dont il supposait la vertu démantelée par le besoin.

Monsieur Léon représentait un personnage que la comédie pourrait appeler le Lovelace malgré lui. Il allait à l'amour comme on va à une corvée. Conscrit innocent, il marchait à l'assaut en tremblant et sans seulement savoir tenir son fusil. Mais la vanité battait la charge et le cri de ralliement était : « Le Cercle le saura ! »
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