L'écrivain Pierre Yergeau vous fait découvrir des extraits de son roman La Cité des vents (L'Instant même, 2005). L'année suivant sa publication, cette oeuvre a récolté une mention spéciale au Prix des cinq continents de la Francophonie, une récompense littéraire créée par l'Organisation internationale de la Francophonie. // Accédez à la version numérique du roman http://bit.ly/PYergeau
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Le dôme de la cathédrale byzantine, élevée sur le plateau d'argile près de l'Harricana, reflétait les rayons de la lune. Sa voûte avait la beauté anonyme des objets élevés à la gloire des dieux éternels et gourmands. (p.99)
Jérémie eut l'intuition qu'il y avait une sorte de récupération de la mort dans le repas funèbre. Un allègement. Cela permettait par la suite de mieux fonctionner. Le psychisme absorbait la mort, en même temps que l'estomac se remplissait de victuailles. (p.161)
Maigrir. Devenir une ombre. Ne plus avoir de volume. Une absence. Ètre celle qui ne mange plus. Qu’on ne peut pas manger.
Ou grossir? Devenir énorme. À soi seul un carnaval, un désordre, un monde! Se camoufler dans la lourdeur mystique de ceux qui ne peuvent plus bouger.
(p.38)
Son enfance ressemblait à un lièvre qui fuyait, à des jeux qui ne seraient jamais terminés, à des jours où elle trépignait d’impatience devant un lendemain qui ne voulait pas venir. Comme le temps était long!
(L'Instant même, p. 70)
Il y a des morceaux de ta vie ou de celle des autres qui tracent une ligne droite juste dans ta direction. Tu peux chercher à te rassurer. Personne ne viendra te sauver. Tu te dois d’être présent, ouvert aux autres et à leurs lubies. Disponible. T’as pas le choix, remarque.
Une sorte d’euphorie se saisit de toi. Tu sens le vent crépiter à tes oreilles. L’univers ne reflète plus que des objets difformes, des bouts de bras, un orteil, des cloportes, du bavardage. C’est remarquable comme tu as l’impression que, jusqu’alors, tu ne faisais que perdre ton temps.
Cette collision t’apparaît comme le fondement même de ta vie. Éviter les accidents, ça ne sert à rien. Les accidents ce sont des désirs qui ont mal tourné.
Toutes les directions pour l’instant se valaient et l’Ouest ne voulait plus rien dire.
Une fois parti, il vaut mieux ne pas s’arrêter. On ne sait jamais.
Pourquoi ce qui nous est inconnu offre-t-il une telle séduction ?
Je veux juste me réveiller et savoir que rien n’est prévisible.
L'invasion des couleuvres semblait une preuve frappante que l'Histoire se compose d'une suite de destins ratés, de fausses manoeuvres commises sous le coup des circonstances. p.43