Imaginez quels étaient notre angoisse et notre tourment dans des circonstances si misérables et désespérées. Cela dura cinq jours encore, quand, enfin, à l'aube du 4 janvier, alors qu'un léger grec nous guidait, l'un des compagnons à la proue crut apercevoir l'ombre de la terre. D'une voix anxieuse, il nous en informa, et nous qui attendions cela si ardemment regardâmes avec des yeux attentifs dans cette direction. Mais le jour n'était pas encore levé, et nous attendîmes que la clarté confirme qu'il s'agissait bien de la terre. Notre joie, notre réconfort et notre bonheur furent immenses et inimaginables.
Ici, la volonté des habitants est tellement en accord avec celle de Dieu que lorsqu'un père, un mari, un fils ou quelqu'un de cher vient à mourir, les parents et les amis se réunissent pour prier son âme et remercier Dieu. Ils ne ressentent ni ne manifestent aucun sentiment de douleur et se retrouvent seulement pour louer le Seigneur.
En vérité, nous pouvons dire que du 3 février 1432 jusqu'au mois de mai 1432 nous avons demeuré dans le premier cercle du paradis, loin de la confusion et de l'opprobre des mœurs italiennes.
Certains d'entre nous s'étaient tellement habitués aux grandes quantités de vin et d'abondance, qu'ils ne pouvaient tolérer la soif ni y mettre un terme. Ils n'avaient qu'une idée en tête, réclamer l'urine de leurs compagnons, qui leur la refusaient se la réservant pour eux-même. Certains la mélangeaient avec un peu de gingembre vert, de citron ou d'épices qui nous restaient encore.