Interview à propos de Dormiremo da vecchi
Il* a démarré avec des pièces au cul et maintenant il se balade avec des rouleaux de billet tenus par des élastiques, et quand il règle des notes astronomiques à l'hôtel ou au restaurant il fait dans un film. C'est devenu un escroc, ce qUi est peut être normal car il vient de la rue. Comme le dit Helga qui a connu les danseurs de couteaux des dures banlieues argentines : «Celui qui vient de la rue n'a aucune limite.»
[*l'un des trois principaux protagonistes du roman]
Il n'a rien à se reprocher. Il a accompli sa trajectoire. Il a baisé les plus belles femmes. Il a découvert qu'au sommet du monde les gens sont tout aussi pourris qu'en bas, mais qu'ils sont plus riches. Il est parti de la rue et il revient à la rue, seul. Mais entre-temps, il s'est bien amusé.
- Je suis vraiment désolée pour cette pauvre fille. Qu'a-t-il bien pu lui arriver ? Toi, comment vas-tu ?
C'était si surprenant d'entendre des mots d'une si normale douceur qu'Andrea se sentit ému. Dans son micro-monde on utilisait les mots comme des pierres taillées à planter dans les vies d'autrui, comme des armes pour alimenter les mauvais sentiments, cultiver les jalousies, révéler les secrets, insinuer, calomnier, effrayer, se moquer, humilier. Et quasiment jamais pour demander, comprendre, consoler. Seule la vieille Margherita, là sur le palier, était encore capable de manier avec aisance cette gentillesse d'un autre âge qui l'avait surpris. Et même un peu consolé.
En apprenant à réciter la vie d'une autre, elle compris des choses auxquelles elle n'avait jamais pensé auparavant. Par exemple que l'amour et le sexe font faire des folies au êtres humains. Tout comme la solitude. Et que la beauté est un gisement de tromperie : elle peut vous offrir le monde, mais tôt ou tard elle vous présente la note et vous rend insomniaque. Voila pourquoi la vraie Marilyn était morte.
Il était assommé par les 15 heures de voyage, plus les trois de sommeil dans un motel en Suisse avec douche bouillante, un très bel après-midi sur les collines vertes et bleues du Chablis. Elle était encore plus mal en point que lui, coincée dans une spirale de sommeil et d'éveil, orange pressée vodka, cachets contre tous les maux, l'obsession pour l'œuvre complète d'Amy Winehouse - la voix la plus belle, troublante et chaude du répertoire européen des toxicos morts assassinés -, récupérée dans le menu audio de la Jaguar. Qu'elle faisait tourner en boucle, sans avoir la courtoisie de demander à Andréa s'il n'en avait pas assez de cette langoureuse mort à répétition.
“La dolce vita n’était pas douce, elle était horrible.” Dino Risi
" - Je tombe dans le vide. Et personne ne m'aide.
- C'est comme ça que tu le ressens ?
- Oui. Entourée de gens hostiles. " (p.226)
" - Je ne sais même pas pourquoi je suis ici.
- Tu es à Paris.
- Mais je pourrais être n'importe où.
- N'importe où, ce ne serait pas la même chose.
- Pour moi, si.
- La distance n'est qu'un élastique qui va et qui vient. " (p.232)
Oscar Martello est le premier personnage de cette histoire. Il a quarante-six ans, une femme tranchante tel un éclat de verre, mais très belle, Helga, une Argentine de Buenos Aires, deux petites filles, Cleo, trois ans, et Zoe, cinq ans, qui l'attendrissent chaque fois qu'il les regarde et qu'il a envie de prendre dans ses bras pour les protéger des clous du monde. Mais ensuite, il les oublie, il n'a pas le temps, pas la patience, et il les confie à des nounous stérilisées et à des jeux coûteux, car il a toujours quelque chose de plus urgent à faire : planter des clous dans le monde.
" - En général, je me sens vide comme les maisons de ma vie, comme cette maison.
- Le vide n'est pas si mal que ça quand on sait l'utiliser.
- Eh bien moi j'en ai assez. J'aimerais avoir une véritable amie. J'aimerais avoir un mari. J'aimerais avoir un enfant. Pas le vide.
- On ne fait pas des enfants pour remplir les vides. Une PlayStation suffit. " (p.231)