Désormais, Paul va pouvoir se consacrer à sa passion : la quête des incunables du blues rural dans les diverses conventions discographiques de France ou de Belgique, aux travées peuplées d'hominidés hirsutes fleurant mauvais le patchouli.
Malgré ses terribles carences concernant le maniement des six cordes de sa chère guitare, le blues l'obsède depuis qu'il a été infecté en 66 par cette pathologie chronique, suite à la sortie du LP de John Mayall avec Eric Clapton que les aficionados surnomment "The Beano album" parce que, sur la pochette, le guitariste virtuose est plongé dans la lecture de cet illustré.
-Je vous ai rien demandé, à vous. Et arrêtez avec votre cigarette, on fume pas dans une voiture de collection !
-Et pourquoi ?
-Ça imprègne le tissu des sièges.
-C'est du cuir comme tissu, ça imprègne pas. Et puis quoi ? C'est pas grave, c'est une vieille bagnole.
-Une DS, mademoiselle, c'est une DS, ce que vous n'êtes pas.
-Ben non ! Je suis pas une voiture !
Il s'écroule dans le canapé et rouvre ce roman donc il peine à venir à bout. Cinq cent quarante pages ! Pourquoi tant de mots pour raconter cette simple histoire d'enfant adopté par un couple de plombiers-chauffagistes qui parvient, à force de volonté et de talent, à gravir les échelons de la société malgré le fait qu'il soit unijambiste ? Dès la troisième ligne du chapitre 2, le meilleur ami du héros se sert un café brûlant. Pourquoi dans ses romans communs le café est-il toujours brûlant ? Ne peut-on les faire moins chauffer et écrire des textes de qualité ? Se demande-t-il.