SUR LA PRAIRIE
Sur la prairie trois arbres prennent le thé
Tes mains sont cachées
Mes mains sont cachées
Une seule bouche et l’heure d’été
Laisse-moi jouer au jeu de l’habitude
Beau paquebot aux lignes de mes mains.
Étienne LÉRO ( MARTINIQUE, 1909-1939)
CHARADE DE L’ABSENCE ( Extrait )
Je le sais maintenant
l’absence
est
une panne
tous les mots mis en quarantaine
tournant en rond dans l’enclos du voyage
refusent les passerelles impassibles de l’oubli
ce ne sont point des mots qu’il faut
mais la même traversée de nos corps
dans l’haleine âcre des salines
Ernest PÉPIN ( Guadeloupe, 1950 )
Babil du songer, 1997
Les carrés de l’hypoténuse
Si a et b sont au carré
si la neige s’additionne avec la pluie
et que mon ombre m’accompagne dans la nuit
alors je me ressemble comme deux gouttes d’homme
la Terre est plus légère que la sphère des géomètres
si le temps n’est qu’une mesure
et l’espace sans mesure
alors il nous reste le chose à chose
le présent dans sa dextérité
il nous reste les cadavres exquis
je n’ai pas demandé à passer au prud’homme
je ne recherche pas la douce quiétude des hommes
si Trois multiplie Dieu et qu’on expose les deux
ça ne donne qu’une formule impropre à la circulation
ça ne fait qu’un battant pour fermer la fenêtre
si les angles sont morts comme le temps le permet
une pierre pour ton jardin une pierre pour le mien
sachant que cinq carottes plus trois navets font huit légumes
vingt-deux morts soixante blessés font quel type de week-end ?
trois famines et deux guerres forment quelle figure humaine ?
LA CLÉ DU CHANT
Nous sommes tous l’un à l’autre des îles à double tour, la clé de l’une entre les mains de l’autre
et les yeux chercheurs d’or trouvent le chemin des lèvres pour faire la lumière sur le mensonge des oreilles en quête de murs fraternels
et le coeur bat sans penser à demain car l’amour est gaucher mais il n’est pas aveugle il sait que le désir surestime l’avenir mais la tendresse est un présent qui éclaire tous les sentiers de l’être d’une caresse tellement sincère que les yeux sont fermés
Daniel MAXIMIN ( Guadeloupe, 1947 ) L’invention des désirades
LES ARBRES N’AURONT PAS FROID CE SOIR
Les arbres n’auront pas froid ce soir
ton amour est en route
il va depuis la source de la voie lactée
jusqu’aux confins secrets des fonds marins
il va
sur un sourire de fleurs
endormi dans son rêve d’oiseau-mouche
il va
sur un nuage aux joues gonflées
de chansons d’archanges
il épouse l’énergie bondissante des mornes
avant de se blottir dans les frais de mon aube
les arbres n’auront pas froid ce soir
notre amour est en route
Ernest PÉPIN ( Guadeloupe, 1950 ) Remolino de palabras libres