Eugenio a gardé en mémoire les noms de code qu'utilisaient cyniquement les tortionnaires quand les détenus leur demandaient des informations sur leur propre sort ou sur celui des torturés qui avaient quitté la "Villa 38": Condamné à "puerto montt" signifiait être exécuté dans un champ ouvert, condamné à "punta arenas" (pointe de sable) équivalait à être fusillé sur un pont ou la berge d'une rivière pour être ensuite jeté dans le courant. Enfin, condamné à "la moneda" (monnaie) voulait dire être jeté dans la mer, vivant ou mort, depuis un hélicoptère ou un avion des forces aériennes.
Pedro Matta, un Chilien également torturé par les hommes de Pinochet, est aujourd'hui détective. Il a engagé une véritable croisade afin que justice soit rendue au nom de tous les disparus de la dictature. Durant l'année 2000 à la demande de Mme Pesle, il a effectué une remarquable enquête, très serrée, sur le cas d'Étienne Pesle, parcourant des centaines de kilomètres à travers le Chili, forçant les réticences des uns et les résistances des autres, à la recherche de la vérité.
C'est une machine d'autant plus redoutable qu'elle sait n'avoir jamais à rendre de comptes devant l'histoire: elle ne garde aucune archive. Ne cherchant pas de preuves, elle ne les conserve donc pas. Elle est tout à la fois, la police, l'armée, la justice et le bras du bourreau. L'histoire de la DINA est ainsi ponctuée de séquestrations, exécutions sommaires, attentats, supplices les plus "raffinés" et disparitions.
Dix mille personnes tuées durant le coup d'État du général Pinochet, en septembre 1973, selon les agences de presse (quatre mille selon les militaires chiliens).
Quatre-vingt-dix mille détenus en dix-huit mois.
Trois mille disparus.
Tel est le vrai bilan des années Pinochet.
Ce livre est un devoir de mémoire.
Il n'en a certes aucune preuve, mais à l'époque il ya su que des cadavres étaient jetés dans les cratères du volcan Villarica ou dans la mer depuis des hélicoptères appartenant à la base aérienne de Maquehue.
D'autant que les U.S.A. sont de plus en plus clairement soupçonné d'avoir voulu et organisé la perte du régime de Salvador Allende.