René Goscinny

C’est cela qui est injuste : l’oubli dans lequel on rejette les précurseurs de la gastronomie. On fête les pionniers du cinéma, de l’aviation, ou du téléphone ; on n’a que de l’indifférence pour les explorateurs de la nourriture. Or, après tout, vous n’allez qu’une fois par semaine au cinéma, vous ne prenez l’avion que deux fois par an (et encore, quand certaines catégories de personnel ne sont pas en grève) et quant au téléphone, laissez-moi rire. Par contre, vous mangez deux à trois fois par jour. Alors ?
Alors, il faut rendre justice au courage de Glonk, homme des cavernes de son état, formulant dans son petit crâne en pointe la proposition suivante :
« Sur arbre, petit fruit. Petit fruit, rouge, joli. Peut-être bon à manger aussi. Moi essayer. »
Il a essayé, Glonk, et il a eu du mérite, car la veille seulement, son confrère Gazounk avait voulu savoir si la ciguë améliorerait le goût de la salade niçoise.
Sans Glonk, sans son esprit d’entreprise, la tarte aux cerises n’aurait jamais été ce qu’elle est aujourd’hui. Songez-y, les enfants !

Extrait du chapitre « Les précurseurs oubliés »