(...)Par delà ses acteurs visibles, l'oeuvre de Martin du Gard comporte une héroïne que le docteur Barois essayait déjà de définir au petit Jean lorsqu'il lui disait : "La vie, c'est de la victoire qui dure." Historien Roger Martin du Gard n'aurait été que le descripteur d'une époque limitée. Romancier, il est un témoin du triomphe de la vie qui dure à travers les pathétiques échecs et les précieuses victoires des hommes et des générations.
A travers tant d'images de l'humanité, c'est l'homme éternel que Roger Martin du Gard veut atteindre, à l'exemple de Montaigne et de Tolstoï. Voilà pourquoi les Thibault forment véritablement un tout. Les critiques de l'an 2000 ne les jugeront pas plus sur tel ou tel épisode que nous ne le faisons en 1937. Ils en liront les différentes parties exactement à notre manière, avec une attention plus ou moins passionnée selon les résonances qu'elles éveilleront dans leurs pensées, à un rythme dont la vitesse ou la lenteur méditative renseignerait fort bien un spectateur idéal sur leurs propres préoccupations.
En revanche, cette primauté du roman sur les autres récits littéraires lui assure une vie intense et prodigieusement variée.