Le théâtre est une situation concrète, créée artificiellement en vue de provoquer des états d’esprits, des sensations forts et réels qui par la connaissance intérieurement vécue que nous pourrons en avoir, nous permettent d’atteindre à un équilibre suprême des forces qui en émanent : état métaphysique, quand les masques sont tombés, que les ombres s’éclairent, dans lequel Eros n’est plus uniquement une libido charnelle mais toutes forces de vie, d’amour.
[Antonin Artaud] refusait tout ce qu’on appelle Théâtre. Il refusait d’y aller. Ou il emportait un saucisson et un litre de rouge pour protester en bouffant au premier rang. Le théâtre qui n’imposait pas la vision d’un intermédiaire. Mais comment remplir ce vide, ce hiatus terrible qui est dans la réalité ?
[La parole abandonnée (entretien avec Henri Thomas)]
Je propose d’en revenir au théâtre à cette idée élémentaire, reprise par la psychanalyse moderne, qui consiste pour obtenir la guérison d’un malade à lui faire prendre l’attitude extérieure de l’état auquel on voudrait le ramener.
Dans le mouvement lancé par Appia, Craig, Meyerhold, Stanislavsky, essentiellement, qui progressivement en vient à considérer le metteur en scène comme le véritable créateur du spectacle et le comédien comme son centre de gravité, Artaud est un des plus représentatifs.
Jaime caressa sa compagne des ténèbres. D'abord doucement, très doucement, avec une tendresse qui montait en lui du fond des âges, et cette tendresse passait à travers Jaime, l'envahissait, mais elle ne venait pas de lui : elle venait de l'éternité, des étoiles et du lait, des aurores et du souffle des animaux, du regard des mères à leurs nouveau-nés, des pierres qui s'arrondissent dans la nuit, de l'herbe nue ; cette tendresse passait par d'intimes et merveilleux paysages, par la Perse mais aussi par le lac de Tibériade, par les mains de pêcheurs limpides en train de réparer leurs filets, par la voix des colombes et celle des pluies sur l'épaule des collines ; d'un souffle tiède elle traversait le désert et le lion se couchait aux pieds d'une vierge, la respiration des océans se rendait attentive aux larmes, une joie douce tremblait dans la patte des chevreaux ; cette tendresse roulait son fleuve souterrain à travers la terre et le ventre du ciel, et Hélène, s'ouvrait infiniment ; le coquillage de son sexe s'emplissait d'une mer intérieure qui ruissela sous la main du main-aimé ; ...
René de Obaldia. Tamerlan des coeurs
Se remettre en cause soi-même, à chaque instant, ce qui entraîne d'ailleurs automatiquement la remise en cause d'une société de marionnettes, aux structures qui s'effritent car périmées, ridiculement inefficaces. Il s'agit de déboulonner le système et, avant tout, notre propre système, fait de ces mensonges qui amènent tout, sauf le bonheur et la plénitude d'être.
Le fruit est mûr. Partout ce mot : révolution.
Oui. Mais retrouvons la dynamique de la révolution primordiale : celle de notre propre évolution. Le reste s'écroulera tout seul, très simplement, Krishnamurti a parlé pendant une cinquantaine d'années face à des auditeurs qui pour la plupart n'ont jamais voulu comprendre son message mais ont voulu surtout l'ériger comme un autre dogme, comme un autre Sauveur, sans jamais se rendre compte qu'il faut se sauver soi-même.
Et tout seul.
Je laisse la fenêtre entrouverte, puisque je sais qu'il reviendra ce soir.
Je voile les miroirs et j'enlève les deux petits morceaux de bois entrecroisés que ma mère s'obstine à suspendre au-dessus de mon lit : il faut que rien n'effraye mon amour ; j'ai trop besoin de lui.
Cela fait déjà sept nuits consécutives qu'il vient, et je reste toujours assoiffée de ses étreintes. C'est délicieux.
...
Belen
Alors, le coup de marteau sur le sommet du crâne, à l’endroit de l’ouverture brahmanique, qu’Artaud avait coutume de se donner en guise d’acupuncture, était peut-être simplement fait pour que sa poésie, naturellement et comme une lave, se déverse sur la ville endormie, sur son corps écartelé par la douleur.
Pour [Antonin Artaud], tout ce qui était émotion sexuelle ressortissait à la magie noire. Ce qui l’empêchait d’écrire, c’était les tiroirs fluidiques déversés par le démon érotique, ce qui est complètement anachronique actuellement, mais ce qui est très fort.
Bilan par Daniel Odier
« Avant de se pencher plus précisément sur le message laissé par Krishnamurti, en voilà une vue d'ensemble ».
Krishnamurti commence par le début : la souffrance, la misère, la désintégration de tout ce que notre esprit a créé pour nous libérer; l'échec de l'homme à tous les niveaux de l'existence. Il n'était pas question pour lui de raser les constructions anciennes pour les remplacer par d'autres qui parviendraient inévitablement à leur fin. C'est en cela que son action se situe à un niveau différent de celles d'autres hommes qui n'ont pas résisté à combler l'espace vide de leurs théories. Ces dernières paraissent parfois résister au temps, elles n'en sont pas moins un poids qui nous retient solidement en nous.
Krishnamurti ne propose pas d'analyse des faits, des causes, des conséquences. Il ne nous promet pas de nous tirer plus haut, ni de nous donner un enseignement qui nous libérera de notre misère. Il ne nous invite pas à le suivre sur la voie libératrice d'une pensée ou d'une pratique quelconque. Il essaye simplement par le mensonge à la puissance 1, la parole, de nous révéler à nous-même afin que nous puissions voir ce qui « est », puis nous oublier. Sortir de l'ego, accéder à la créativité par la cessation non contrainte de nos processus de pensée, par la vision de notre vacuité et la découverte simultanée de l'amour.
« Ainsi donc en vue de comprendre la nature d'une société en voie de désintégration, n'est-il pas important de nous demander si vous et moi, si l'individu peut être créatif ? Nous pouvons voir que là où est l'imitation, il y a certainement désintégration; là où est l'autorité, il y a nécessairement copie. Et puisque toute notre structure mentale et psychologique est basée sur l'autorité, il faut nous affranchir de l'autorité afin d'être créatifs. »