Citations de Revue Planète (31)
Le théâtre est une situation concrète, créée artificiellement en vue de provoquer des états d’esprits, des sensations forts et réels qui par la connaissance intérieurement vécue que nous pourrons en avoir, nous permettent d’atteindre à un équilibre suprême des forces qui en émanent : état métaphysique, quand les masques sont tombés, que les ombres s’éclairent, dans lequel Eros n’est plus uniquement une libido charnelle mais toutes forces de vie, d’amour.
[Antonin Artaud] refusait tout ce qu’on appelle Théâtre. Il refusait d’y aller. Ou il emportait un saucisson et un litre de rouge pour protester en bouffant au premier rang. Le théâtre qui n’imposait pas la vision d’un intermédiaire. Mais comment remplir ce vide, ce hiatus terrible qui est dans la réalité ?
[La parole abandonnée (entretien avec Henri Thomas)]
Je propose d’en revenir au théâtre à cette idée élémentaire, reprise par la psychanalyse moderne, qui consiste pour obtenir la guérison d’un malade à lui faire prendre l’attitude extérieure de l’état auquel on voudrait le ramener.
Dans le mouvement lancé par Appia, Craig, Meyerhold, Stanislavsky, essentiellement, qui progressivement en vient à considérer le metteur en scène comme le véritable créateur du spectacle et le comédien comme son centre de gravité, Artaud est un des plus représentatifs.
Je laisse la fenêtre entrouverte, puisque je sais qu'il reviendra ce soir.
Je voile les miroirs et j'enlève les deux petits morceaux de bois entrecroisés que ma mère s'obstine à suspendre au-dessus de mon lit : il faut que rien n'effraye mon amour ; j'ai trop besoin de lui.
Cela fait déjà sept nuits consécutives qu'il vient, et je reste toujours assoiffée de ses étreintes. C'est délicieux.
...
Belen
Jaime caressa sa compagne des ténèbres. D'abord doucement, très doucement, avec une tendresse qui montait en lui du fond des âges, et cette tendresse passait à travers Jaime, l'envahissait, mais elle ne venait pas de lui : elle venait de l'éternité, des étoiles et du lait, des aurores et du souffle des animaux, du regard des mères à leurs nouveau-nés, des pierres qui s'arrondissent dans la nuit, de l'herbe nue ; cette tendresse passait par d'intimes et merveilleux paysages, par la Perse mais aussi par le lac de Tibériade, par les mains de pêcheurs limpides en train de réparer leurs filets, par la voix des colombes et celle des pluies sur l'épaule des collines ; d'un souffle tiède elle traversait le désert et le lion se couchait aux pieds d'une vierge, la respiration des océans se rendait attentive aux larmes, une joie douce tremblait dans la patte des chevreaux ; cette tendresse roulait son fleuve souterrain à travers la terre et le ventre du ciel, et Hélène, s'ouvrait infiniment ; le coquillage de son sexe s'emplissait d'une mer intérieure qui ruissela sous la main du main-aimé ; ...
René de Obaldia. Tamerlan des coeurs
Se remettre en cause soi-même, à chaque instant, ce qui entraîne d'ailleurs automatiquement la remise en cause d'une société de marionnettes, aux structures qui s'effritent car périmées, ridiculement inefficaces. Il s'agit de déboulonner le système et, avant tout, notre propre système, fait de ces mensonges qui amènent tout, sauf le bonheur et la plénitude d'être.
Le fruit est mûr. Partout ce mot : révolution.
Oui. Mais retrouvons la dynamique de la révolution primordiale : celle de notre propre évolution. Le reste s'écroulera tout seul, très simplement, Krishnamurti a parlé pendant une cinquantaine d'années face à des auditeurs qui pour la plupart n'ont jamais voulu comprendre son message mais ont voulu surtout l'ériger comme un autre dogme, comme un autre Sauveur, sans jamais se rendre compte qu'il faut se sauver soi-même.
Et tout seul.
Pour [Antonin Artaud], tout ce qui était émotion sexuelle ressortissait à la magie noire. Ce qui l’empêchait d’écrire, c’était les tiroirs fluidiques déversés par le démon érotique, ce qui est complètement anachronique actuellement, mais ce qui est très fort.
Un jour la peinture de Van Gogh armée et de fièvre et de bonne santé reviendra pour jeter en l’air la poussière d’un monde en cage que son cœur ne pouvait plus supporter.
[Van Gogh ou le Suicidé de la société]
Une chose nommée est une chose morte, et elle est morte parce qu’elle est séparée.
[Héliogabale]
Monsieur le Recteur,
Dans la citerne étroite que vous appelez « Pensée », les rayons spirituels pourrissent comme de la paille.
Lettre aux recteurs des universités européennes
Plus on s’enfonce dans ce qu’il y a de caché en nous plus on doit resserrer la discipline extérieure, ce qui est la forme, l’artificialité, l’idéogramme, le signe.
(Grotowsky)
Alors, le coup de marteau sur le sommet du crâne, à l’endroit de l’ouverture brahmanique, qu’Artaud avait coutume de se donner en guise d’acupuncture, était peut-être simplement fait pour que sa poésie, naturellement et comme une lave, se déverse sur la ville endormie, sur son corps écartelé par la douleur.
Parménide suggéra de distinguer entre le Réel, qui serait continu, et le Connu, c'est-à-dire ce que l'Homme peut espérer percevoir de ce Réel, qui serait par nature discontinu. Mais cette idée impliquait de renoncer à l'espoir que l'Homme puisse atteindre directement un jour le "fond" des choses.
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Dans son Van Gogh, Antonin Artaud met l’accent sur un point très important, qui est celui-ci : si certains individus sont contraints de choisir le refuge de la folie, c’est parce qu’au niveau de l’inconscient se sont produites certaines manipulations tant intérieures qu’extérieures en vue de les empêcher d’émettre d’insupportables vérités.
[Réflexions sur Artaud, Céline et Genet (Pierre Hahn)]
Je sais bien que le plus petit élan d’amour vrai nous rapproche beaucoup plus de Dieu que toute la science que nous pouvons avoir de la création et de ses degrés. Mais l’amour qui est une force ne va pas sans la Volonté. On n’aime pas sans la volonté, laquelle passe par la conscience ; -c’est la conscience de la séparation consentie qui nous mène au détachement des choses, qui nous ramène à l’unité de Dieu. On gagne l’amour par la conscience d’abord, et par la force de l’amour après.
[Héliogabale]
Je suis pour Guénon gobeur contre tout le reste. Guénon gobeur qu’il prend au pied de la lettre le contenu significatif et humain de toutes les fables et légendes me paraît moins enfantin que toute l’école scientifique, biologique et anthropologique moderne qui à la suite d’Edmond Perrier pense que l’homme marchait d’abord à quatre pattes et qu’il est devenu droit à force de chercher à attraper les fruits des arbres et de se mettre sur son séant pour cela.
[Le moine]
Il y a des moments où l’univers me semble tout près de ressembler à une chevelure nerveuse aux électriques soubresauts.
[Lettres à Genica Atanasiou]
Artaud donnait l’impression d’avoir un moteur d’avion installé dans une carrosserie de Citroën, et quand il était en période de calme, il était royal, il était d’une intelligence prophétique, il était beau, il était gai, il était blagueur […].
[Jean-Louis Barrault]
Est-ce que l’homme, dans le monde que nous sommes en train de construire, ne sera pas écrasé par la masse et dépassé par les machines ?
Est-ce qu’il ne va pas devenir un spectateur endormi dans un théâtre d’ombres monumental ? (Louis Pauwels)
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