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Citation de Cielvariable


Ce n'est cependant pas le devoir qui gardait le sergent-détective Francis Pagliaro au bureau pour des heures supplémentaires en cette chaude fin d'après-midi de juillet, mais plutôt sa lassitude de l'affrontement inutile et stupide qui l'attendait au ras du sol avec ses concitoyens enragés au volant de leurs bagnoles.

L'enquêteur avait connu toutes sortes de violences au cours de sa carrière, mais la rage au volant se retrouvait à peine dans la liste des crimes contre la personne, et elle n'entrait dans les statistiques criminelles que depuis peu. Elle existait bel et bien, Francis Pagliaro avait même consacré un chapitre complet sur le sujet dans sa thèse de maîtrise en criminologie, dix ans plus tôt. Sans grand succès. Certes, il avait obtenu son diplôme, mais aucune des conclusions de son mémoire n'avait suscité la curiosité chez ses collègues ou ses supérieurs à la Sûreté.

Tout cela était bien loin derrière lui.

Depuis quelques mois, il s'intéressait à autre chose. Quelque chose au-delà et au-dessus de toutes les considérations quotidiennes de son travail d'enquêteur.

À force de fréquenter des individus aux comportements équivoques et aux personnalités troubles, autant parmi ses confrères policiers que chez les criminels sur qui il enquêtait, il supportait de plus en plus mal d'avoir à faire face à des événements la plupart du temps imprévisibles, ou à réagir sans arrêt à des incidents insignifiants ayant amené des gens ordinaires à des actes graves qui auraient pu tout aussi bien ne pas se produire dans d'autres conditions. Il se demandait comment ses collègues percevaient eux-mêmes leur travail de policier. Quelques-uns avaient déjà espéré écrire un jour un roman à partir de leurs propres aventures. Autant rêver. S'ils éprouvaient une certaine lassitude, voire un écœurement professionnel, ils n'en laissaient rien paraître, car on ne parlait pas de ces choses-là dans la police. Jamais, pour sa part, Pagliaro ne s'était senti pareil aux héros de roman policier stéréotypés qui se défoncent dans le travail, ou plus simplement dans l'alcool ou la drogue, pour échapper à la pression du métier. Il s'était aussi rapidement moqué de cette attitude conventionnelle du flic tourmenté et malheureux, héros des films de série B : violent, négligé de sa personne, sans véritables attaches amoureuses, incapable au surplus de créer de vrais liens sentimentaux, peu apprécié de ses collègues et en conflit éternel avec la hiérarchie administrative de la police.
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