A de très rares exceptions près (les écrivains du XVIème siècle) ne savent pas faire un croquis, attraper une ressemblance, camper un personnage en chair et en os devant le lecteur. On remarque en peinture des défaillances du même ordre. En y échappant, Bruegel se détache, s'avance et "entre triomphalement dans l'époque moderne". Sur la scène du monde il pose un regard limpide, vierge d'habitudes. Il sent, il voit vivre les hommes. Non ceux qui commandent et décident de l'avenir des nations mais ceux-là mêmes qui peinent, souffrent, s'amusent au niveau de la terre, anonymes, sans fortune et sans gloire. Tous, autant qu'ils sont, sont dignes d'observation. jeunes ou flétris, sains ou joyeux, fragiles ou puissants, solides ou difformes, tristes ou joyeux, chrétiens ou mécréants, tous sont à l'honneur. Les contrastes, règle d'or de toute pensée plastique, y abondent, subtils et simultanés. En tout et en chacun une patiente volonté de synthèse s'insinue à travers la plus exigeante analyse : ainsi cette somme d'humanité, ardente et sans fard, s'élève au-dessus de toute littérature.
Le phénomène artistique, de quelques nature qu'il soit, ne s'anime, dans la conscience de l'individu, que dans la mesure où un contexte socio-culturel se révèle apte à le privilégier comme tel.