AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enkidu_


C’est un grand malheur pour l’humanité qu’on lui ait, sans discernement, appris à lire. Une société bien organisée devrait comporter une proportion convenable d’illettrés, vu que la lettre, mise à la disposition de ceux qui n’en ont pas l’usage, et qui ne vivent pas dans un milieu où cet usage ait quelque utilité, n’est qu’un poison.

Les neuf dixièmes des Occidentaux ne lisent que les journaux, les programmes de cinéma et les romans populaires ; où ils n’ont donc à leur portée, dans le domaine intellectuel, que des causes d’abaissement. Quel contraste entre, d’une part, les façons solennelles et quasi religieuses des instituteurs, apprenant aux enfants du peuple le rudiment, et d’autre part l’emploi que ces enfants, devenus grands, feront de ce pouvoir qu’on leur a donné et qui, en théorie, leur ouvrait le chemin des « lumières » !...

En quelques dizaines d’années, l’instruction répandue uniformément et à grands frais, jusque dans les hameaux les plus reculés, a détruit d’autres pouvoirs que les paysans, notamment, tenaient de leur contact direct avec la nature. A la place, il ne leur est venu généralement que des prétentions sans fondement et des opinions sans objet. L’horrible civilisation urbaine — horrible sous ses aspects communs, et de plus en plus : c’est comme un dépôt qui se concentre — remonte vers les villages, enfermée dans des feuilles imprimées où le cerveau fruste, tout naturellement, ne prend que ce qui est au niveau de sa raison, c’est-à-dire de ce qu’il y a de moins noble en lui. Les arracheurs de betteraves qui parlent politique au coin d’un champ, une gazette à la main, les gardes-barrière qui ont leur idée sur les grands problèmes, n’accroissent pas d’une ligne la quantité d’intelligence qui flotte à la surface de la terre. Ils ont appris à lire pour rien ; sauf lorsqu’ils lisent aussi les Dessous de Paris ou Vierge et Flétrie, auquel cas ils se salissent.
[...]
Qui a décrété que l’homme lisant — ce que ne furent ni Charlemagne, ni Jeanne d’Arc, ni François d’Assise — était l’idéal unique, le patron invariable sur lequel devaient être coupées toutes les âmes ?... Il y a deux cents ans environ que les gens d’Occident, sans exception, défilent dans les écoles. C’est, précisément l’époque où ils ont le plus baissé, quant à la vitalité, quant à la moralité, quant à la dignité, quant au goût.
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}