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Citation de GaletteSaucisse


[Un an après l’armistice. Dans la guerre, Madame Delbos y a perdu son fils unique, André. Depuis de longs mois, elle recherche son corps. En vain. Tout à l’heure, accompagnée de Jacques, elle a cru qu’elle le retrouverait dans cette fosse. Mais le cadavre n’était que celui d’un vulgaire homonyme. Misérable, désespérée, n’ayant rien qui la rattache au monde hormis le fol espoir de retrouver la dépouille de son fils, elle pleure. Jacques, ancien combattant lui aussi hanté par le fantôme d’André, tente de la consoler.]

- Vous pouvez être fière de lui. Il est mort en faisant son devoir...
Alors, le corps affalé se redressa à demi et la vieille mère articula :
- Non... Ne dites pas ça... J’aurais donné la France, moi, pour que mon garçon revienne !...
Jacques se tut, décontenancé. Il regardait cette pauvre tête pitoyable où la capote noire avait glissé, et il imagina André, penché comme lui sur la maman en larmes.
Que penserait-il, s’il revenait ?... Maintenant, la fièvre héroïque est tombée, le mâle orgueil du risque ne soulève plus les hommes, les canons tonnant se sont tus, et l’esprit apaisé a retrouvé ses doutes.
Où est le devoir ?... Des multitudes inconnues ont changé de patrie, on a tracé d’autres traits sur la carte du monde, mais il reste un père, une mère sans soutien, qui, un soir, accablés, le ventre vide, ouvriront le gaz ou allumeront le réchaud, pour que leur sommeil soit enfin le dernier.
Qu’est-ce, après tout, que le devoir ?... N’est-ce pas une tromperie magnifique que l’âme invente pour mener le corps où il ne veut pas ?
Et puis, l’autre devoir, le devoir sacré d’élever des petits ou de soutenir des vieux, qui le remplira désormais pour celui qui n’est plus là ?
On hésite... On ne sait plus... Est-ce dans l’exaltation ou dans le recueillement que le cœur a raison ?
Un poteau frontière qu’on déplace empêchera-t-il une seule mère de pleurer ? Quelles consolations trouverait-il à dire, le mort casqué, s’il poussait soudain la porte de la baraque ?
Personne ne parlait plus... La pluie s’était remise à crépiter, chassée par le grand vent, et, dans le sanglot de l’orage, le sanglot de la vieille ne s’entendait plus.
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