Il serait incongru de penser que la mise en exergue du droit des usagers pourrait porter atteinte au droit des salariés. Nous serions en présence de deux dispositifs de droits contradictoires : la promotion de l'un ne pourrait se faire qu'au détriment de l'autre. Comment pourrait-on imaginer respecter les usagers si d'abord les salariés, qui ont un rôle d'interface entre les usagers et l'institution, ne sont pas respectés.
Ce n'est pas en se substituant aux usagers que les professionnels apportent des solutions, mais en leur permettant de reprendre prise sur leur vie et leur destin qu'ils offriront les meilleurs conditions pour leur épanouissement. Il s'agit de se risquer dans une volonté de recollectiviser un problème socialement individualisé.
Il faut donc inventer des lieux de débats, espaces de citoyennetés, où les individus se réunissent pour devenir acteurs, producteurs de leur existence. Il est de la responsabilité des professionnels de créer les conditions qui permettront aux personnes en difficulté (et/ou leur parent) de se rencontrer, de partager leurs problèmes, de les confronter. Ce partage de ce qui fait leur vie de tous les jours, non pas à partir de ce qui les stigmatise mais à partir de ce qu'ils vivent, de ce qu'ils réussissent, de ce qu'ils tentent, des attitudes qu'ils cherchent à les découvrir, de ce qui les motive, bref de ce qui ne les disqualifie pas à priori va modifier en profondeur les rapports jusque-là établis dans les établissements et services. Il va falloir s'intéresser à la personne pour ce qu'elle est, au delà de son symptôme dans le cadre d'un espace de débats.
Le respect pris au sens philosophique du terme définit un rapport à l'autre dans une reconnaissance de sa personne en tant qu'égal de soi-même. cela implique une certaine distance dans les rapports quotidiens, dans les attitudes, les paroles, autant de signes de considération mutuelle que nous nous apportons.
Une des résistances des professionnels à l'évolution des rapports au sein des institutions fait souvent appel à leur inquiétude de permettre aux usagers et à leurs familles, d'avoir accès à des espaces institutionnels risquant d'être dommageable à l'évolution de la prise en charge ou de l'accompagnement.
Certes, le consommateur trouve une plus grande variété de produits dans un supermarché mais il y perd la qualité de la proximité du commerce de quartier (notamment les relations humaines). L'usager a-t-il d'abord besoin d'une offre élargie ou d'une relation de voisinage ?
en effet, le droit des usagers ne relève pas de l'évidence. À l'origine de l'action sociale, le droit des pauvres et des exclus pouvait paraître une incongruité. le simple fait de faire leur bien suffisait à exonérer l'intervenant de toute obligation de bienveillance à leur égard. C'est très progressivement que la reconnaissance de la personne aidée en tant que sujet a taillé son chemin dans l'enfer pavé de bonnes intentions inspirées du modèle caritatif, les affres sécuritaires du contrôle social, les relations de domination dérivées de la professionnalisation du travail social ou encore les logiques interprétatives, parfois abusives, issues des courants psychanalytiquess.
Après le droit de la consommation, le droit des administrés, celui des patients, il est indispensable que les usagers de l'action sociale disposent d'un texte spécifique attestant leurs droits et libertés. C'est le Code de l'Action Sociale des familles qui est désormais le support de cette ambition législative.
La frontière est cependant étroite entre l'affirmation de l'individu et le repli sur l'individualisme.
Le contrat introduit une toute autre façon d'envisager la relation. Le contrat est un modèle relationnel basé sur la reconnaissance, a priori, de l'autonomie des compétences de chacun des acteurs.