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Nationalité : France
Biographie :

Historien de l’art, essayiste et curateur d’exposition, Romain Arazm publie aux éditions des Presses littéraires son premier roman. À la confluence de la
littérature, de la philosophie et des arts, ce jeune auteur porte sur le monde un regard émerveillé.

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Bibliographie de Romain Arazm   (3)Voir plus

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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Chaque matin, peu après le lever du jour, Lise et moi accompagnions Antoine sur les différents points rouges de sa carte. Pliée à l’infini, elle tenait dans la poche arrière de son jean délavé. Pendant qu’il peignait, nous nous promenions dans les environs avant de le retrouver en fin de matinée pour déjeuner ensemble. A la vitesse du marcheur – la seule qui permet de bien digérer de la consistance du monde – tout notre corps éprouvait la topographie enchanteresse que le peintre avait, lui, sous les yeux. Nous
nous étendions sous la frondaison des tamaris dont il se servait pourdisposer, ici ou là, des taches d’un mauve solaire. Nous nous baignions dans l’eau tiède de la mer qu’il résumait à de vastes aplats de peinture bleue. Nous arpentions des sentiers caillouteux tout en sachant qu’ils se transformeraient, sur la toile, en des lignes sinueuses tracées
par son plus fin pinceau et desquelles nous aurions pu tomber. En fin d’après-midi, comme les alpinistes dans un refuge retracent sur une carte les endroits par où ils sont passés, le récit de notre journée s’appuyait sur le tableau, souvent inachevé, qu’Antoine nous montrait. En restant dans le champ de la figuration, ses compositions étaient influencées par les artistes qu’Antoine admirait. Outre un emploi de la couleur pure qui venait tout droit des oeuvres d’Henri Matisse, il y avait, ici ou là, des aplats à la Gauguin, des touches virevoltantes inspirées par Van Gogh. La mémoire de ce qu’il avait vu connotait la sensation de ce qu’il voyait. Sans la faire disparaître, sa culture picturale se superposait à la Nature. Elle la faisait exister vraiment. Les oeuvres qu’Antoine avait réalisées pendant notre séjour ne représentaient pas servilement le paysage mais exprimaient l’âme de leur auteur. Si des arbres, des chemins et des murs apparaissaient à la surface de ses toiles, il ne fallait être dupe de rien, ce n’était là que les détails d’un portrait, le sien. La distinction entre l’artiste et la nature était vaine. Il
était le monde qu’il voyait. Chaque soir, l’impression fantastique d’avoir passé la journée dans un tableau, nous persuadait que la qualité d’un voyage se mesure beaucoup moins aux nombres de kilomètres parcourus qu’à l’intensité des instants vécus.
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« Une fois les examens passés, je goûtais à nouveau la joie de vagabonder sans but. Nous avions quitté Paris par un matin pluvieux de juillet. Devant nous s’étendaient trois semaines de totale liberté. Tout était à écrire sur une page immensément blanche. La destination sur laquelle nous nous étions mis d’accord avait un lien avec notre rencontre : Collioure. Notre premier voyage fût donc un pèlerinage sur les pas de l’artiste qui nous avait réunis trois mois plus tôt. Le réveil, flemmard ce matin-là, ne nous avait pas sortis du lit à l’heure prévue. A peine une demi-heure nous séparait du départ de notre train. Je n’avais eu que dix minutes pour sélectionner les livres qui
allaient m’accompagner pendant ce voyage. Il m’avait toujours fallu constituer une sorte de petite bibliothèque portative avant de quitter Paris, ne fut-ce que pour quelques jours. Voyager avec des livres, c’est voyager au carré. Des voyages dans le voyage. Parvenus à monter dans le train in extremis, nous avions pris place dans le compartiment restaurant. Comme le paysage à travers les meurtrières horizontales du wagon, les passagers défilaient au comptoir briqué avec zèle par un employé de la compagnie de chemin de fer.
Lise avait remarqué un homme d’une quarantaine d’années. Son chapeau de paille aux bords élimés dissimulait en partie les boucles de ses cheveux clairs qui se mêlaient à la broussaille de ses joues. Cow-boy sans cheval, il maintenait entre ses jambes une énorme valise. Les petites roulettes en plastique bon marché n’avaient pas résisté au poids de son contenu. L’air amusé de la blondinette l’avait poussé à échanger avec nous quelques mots qui s’étaient rapidement transformés en une conversation nourrie. Sourire aux lèvres, Lise lui avait demandé ce qu’il transportait de si lourd. Nous avions su que nous allions bien nous entendre lorsqu’il répondit : « des livres et du matériel pour peindre ». Les agents de circulation de nos vies font parfois les choses en grand. »
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En lieu et place d’un écran ou du visage d’un ami, je dînai ce soir-là face à des oeuvres que je regardais pour la première fois à la lumière du feu. Au vu des risques d’incendie, je comprenais très bien que les musées de privilégient pas de ce genre d’éclairage. Il permettrait néanmoins une expérience visuelle des plus captivantes et correspondrait à une sorte de retour aux sources. En effet, des dizaines de milliers d’années plus tôt, comme aime à le rappeler Pierre Soulages, la peinture est née dans l’obscurité des grottes. Les premiers artistes perçaient la nuit avec des torches. Les formes peintes épousaient le relief des parois et dansaient au rythme frénétique des flammes. Les ombres projetées des hommes autour du feu accompagnaient les représentations aux murs. Déjà la vie et l’art se rencontraient pour ne faire plus qu’un. Dans mon salon, à plusieurs millénaires d’intervalle, cet éclairage transformait la contemplation en une véritable Révélation. Elle construisit en moi des voies d’accès vers un autre plan. Le regardeur que j’étais devint mystique. Car si dans l’art tout n’est pas religieux, le sentiment procuré, lui, tient bien souvent du sacré. En m’assurant que ni les flammes ni leur chaleur n’entrent en contact avec la vitre de protection, j’observais les couleurs évoluer dans un monde qui leur était désormais autonome. Les oeuvres étaient plus que jamais vivantes. La bataille rangée que la lumière livrait à l’obscurité dans l’appartement était sublime et ne laissait aucun objet rester neutre. Ce lieu dont je connaissais les moindres recoins m’apparaissait comme totalement nouveau. L’éclairage est une machine à transformer l’habitude en exceptionnel, le connu en inconnu. J’observais le salon comme une profonde vallée où la lumière du soleil ne s’attarde jamais très longtemps, ou comme l’intérieur d’un monastère orthodoxe de Novgorod qui me revenait alors à l’esprit.
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