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3.61/5 (sur 9 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Washington , le 30/11/1941
Biographie :

Rosalind E. Krauss est une critique d'art, professeur en histoire de l'art à l'Université Columbia.

Persuadée que l'art moderne ne pourrait se poursuivre en marge de sa critique, elle rejoint la direction éditoriale du magazine Artforum dans les années 60. En 1975, avec Annette Michelson, elle quitte le magazine pour créer la revue "Octobre", publié par les presses du MIT. Son objectif est de créer un lien entre la critique contemporaine et l'université.

Dans cette approche théorique du modernisme, elle s'est intéressée au développement de la photographie, parallèle à celui de la peinture moderne, qui met en lumière certains phénomènes ignorés jusqu'alors : les marques d'index, la fonction d'archive. Elle a exploré certains concepts, comme "l'informe", "l'inconscient optique" ou le pastiche, qui organisent les pratiques modernistes de l'art et annoncent leurs pendants postmodernes.

1990 "Le Photographique. Pour une Théorie des Ecarts"
1977 "Passages in Modern Sculpture", publié en français sous le titre "Passages. Une histoire de la sculpture de Rodin à Smithson"
1985 "The Originality of the Avant-Garde and Other Modernist Myths", publié en français sous le titre "L'Originalité de l'avant-garde et autres mythes modernistes"
1999 "The Picasso Papers", publié en français sous le titre "Les Papiers de Picasso"
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Citations et extraits (10) Ajouter une citation
On en trouve un écho dans la manière dont la fable du navire Argo permet à Barthes de montrer comment et pourquoi il écarte du champ de la recherche structuraliste un concept comme celui d' "origine", si important pour la pensée historique traditionnelle, ou ceux de "génie", d' "inspiration", de "détermination" et d' "évolution". Pour un critique non structuraliste, chacun de ces concepts ouvre un domaine de recherche (l'intention esthétique, le contexte biographique, les modèles psychologiques de la créativité, l'existence de mondes privés) qui, non content de postuler le caractère historique de la genèse de l'oeuvre d'art, réclame un modèle interprétatif impliquant l'analogie de l'oeuvre et de son auteur : la surface de l'oeuvre renvoie à sa "profondeur" exactement comme l'apparence extérieure du sujet humain renvoie à l'authenticité d'un moi intérieur. Par contraste, le modèle structuraliste de la substitution et de la nomination ne fait naître aucune image de profondeur - la substitution ne requérant que la possibilité de déplacer des pièces sur une surface plane. Ce que Barthes préfère dans le modèle d'Argo, c'est son absence totale de profondeur.
Une telle conception de l'oeuvre d'art, un tel refus de la profondeur suscitent d'énormes résistances chez le critique formaliste ou historiciste. C'est cette attitude anti-structuraliste qui s'exprime, par exemple, chez Stanley Cavell lorsque, en professionnel de l'esthétique, il souligne l'importance anthropologique : "Les objets d'art ne se bornent pas à nous intéresser et à nous absorber, ils nous émeuvent. (...) Nous avons une manière spécifique de les traiter, nous les investissons de valeurs que des personnes normales ne reconnaîtraient qu'à d'autres personnes - et avec le même type de mépris et de dignité outragée." L'analogie anthropologique, utile à l'historiciste à qui elle permet d'insérer l'oeuvre dans la matrice biologique de son auteur et de mettre en ordre ou d'arrêter ses "intentions", ne l'est pas moins au critique qui veut rendre compte de l'oeuvre en termes d'intégration formelle. À ce niveau, elle fonctionne comme une sorte de modèle physique dans lequel la ressemblance de l'oeuvre et du corps humain ne se limiterait pas à l'opposition d'une surface et d'une profondeur, d'un intérieur et d'un extérieur, mais engagerait aussi les propriétés formelles qui prolongent et protègent la vie de l'organisme, comme l'unité, la cohésion, la complexité au sein de l'identité, etc. Ce recours à l'unité présuppose qu'il serait possible d'isoler l'organisme esthétique : cette oeuvre-ci à l'intérieur de son cadre, et les décisions dont elle est l'expression ; ce médium, et les propriétés qui assurent son unité et permettent de le distinguer d'autres médiums ; cet auteur, et l'unité ou la cohérence de son oeuvre. Mais ces catégories elles-mêmes - art, médium, auteur, oeuvre - ne sont jamais sérieusement remise en question.
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À cause de sa structure (et de son histoire) bivalente, la grille est totalement et même allègrement schizophrénique. J'ai assisté et j'ai participé à des débats où il était question de savoir si la grille induisait l'existence centrifuge ou l'existence centripète de l'oeuvre d'art. Logiquement, la grille est susceptible de s'étendre dans toutes les directions à l'infini. Toute limite lui étant imposée par une peinture ou une sculpture donnée ne peut donc être qu'arbitraire. Grâce à la grille, l'oeuvre d'art se présente comme un simple fragment, comme une petite pièce arbitrairement taillée dans un tissu infiniment plus vaste. Ainsi envisagée, la grille procède de l'oeuvre d'art vers l'extérieur et nous oblige à une reconnaissance du monde situé au-delà du cadre. Il s'agit là de la lecture centrifuge. Quant à la lecture centripète, elle va, tout naturellement, des limites extérieures de l'objet esthétique vers l'intérieur. Selon cette lecture, la grille est une re-présentation de tout ce qui sépare l'oeuvre d'art du monde, de l'espace ambiant et des autres objets. Elle fait passer par introjection les limites du monde à l'intérieur de l'oeuvre ; elle projette sur lui-même l'espace contenu à l'intérieur du cadre. C'est un mode de répétition dont le sens est que l'art est une convention.
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Cette conception du moi était déjà questionnée à la fin des années cinquante par Beckett et le Nouveau Roman. Elle constituait aussi un point particulièrement important de la philosophie du second Wittgenstein, pour qui les jeux de langage étaient une thérapie visant à rompre le lien logique entre signification et pensée. Dans le Cahier brun, par exemple, Wittgenstein demande ce que cela signifie de prétendre que nous connaissons un air : est-ce à dire qu'avant de le chanter, nous nous le sommes rapidement siffloté en silence? Ou que nous avons une image de la partition dans la tête - une image mentale de l'air - et que nous lisons les notes en même temps que nous les chantons? Notre connaissance de cet air dépend-elle du fait de l'avoir stocké quelque part en nous, telles des perles déjà alignées sur un fil et prêtes à être extraites de nos bouches? Ou tient-elle simplement au fait de chanter l'air, ou d'en entendre plusieurs et de pouvoir dire : " Celui-ci est le bon"? Dans les Investigations philosophiques, la question de l'air et de comment savoir où il est entreposé quand nous affirmons le connaître est étendue aux images de la mémoire et aux fondements de toute prétention à la connaissance. Wittgenstein a cherché maintes et maintes fois à rompre le lien entre les certitudes impliquées par de telles affirmations et l'image d'un espace mental à l'intérieur duquel définitions et règles seraient conservées dans l'attente d'être appliquées. Son travail, en l'occurrence, consista à détruire notre conception d'un espace mental privé (et accessible au seul Moi) dans lequel les significations et les intentions existeraient avant même d'être lâchées dans l'espace du monde. C'est un modèle de signification débarrassé de toute tentative de légitimation d'un Moi privé que Wittgenstein nous enjoint d'accepter.
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Il n'y a pas de lien nécessaire entre l'art de qualité et le changement, si conditionnés que nous puissions être à le penser. En fait, une expérience accrue de la grille nous a permis de découvrir l'un de ses aspects les plus modernistes : sa capacité à servir de paradigme ou de modèle à l'antidéveloppement, à l'antirécit, à l'antihistoire.
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Il n'y a pas de lien nécessaire entre l'art de qualité et le changement, si conditionnés que nous puissions être à le penser.
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Ayant violé les mers du Sud afin d'en expédier les objets sacrés vers les marchés de l'art et les Trocadéro de la "civilisation", l'Occident a aussi élaboré ses propres masques, qui sont, écrit Limbour, dignes d'Eschyle. Il s'agit bien entendu des masques à gaz, qui seuls appartiennent authentiquement à notre époque. "Car si, chez les différents peuples anciens, la religion, le culte des morts et les fêtes de Dionysos firent du masque une parure sacrée et rituelle, nous avons nous aussi notre religion, nos jeux de société et partant notre masque. Seulement la standardisation générale de ce temps nous oblige à porter tous le même."
La pensée du masque à gaz, qui remplace l' "humanité" du visage par une image terrifiante de la brutalité propre à la guerre industrialisée, était devenue extrêmement répandue parmi l'avant-garde des années vingt. Variétés publia une série de photographies de personnes portant des masques à gaz et d'autres types d'appareils mécaniques qui met en évidence cette fascination pour tout ce que l'imagination moderne rêva de substituer à la tête de l'homme. Comme c'est le cas pour tous ces "candidats mécaniques à la succession", mais avec une force extraordinaire qui lui est particulière, le masque à gaz évoque, non des stades supérieurs dans l'évolution de l'espèce, mais au contraire des stades infiniment inférieurs. Car celui qui porte un masque à gaz ne ressemble à rien tant qu'à un insecte.
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Les signes qui hantent les premières peintures de bandes de Stella sont plus que de simples signifiants de leur formes littérales. Die Fahne hoch! et Luis Miguel Dominguin sont structurés déductivement, mais les tableaux aboutissent à la configuration particulière d'une croix. Nous pouvons, bien sûr, penser que c'est accidentel. Tout comme nous pouvons estimer que c'est le fait du hasard si la Croix s'apparente au signe le plus primitif d'un objet dans l'espace : la verticale de la figure projetée contre la ligne d'horizon d'un fond indéfini. Mais la relation tridirectionnelle (the three-way relationship) qui s'établit à la surface rayée de ces tableaux permet d'argumenter en faveur d'une connexion logique entre l'aspect cruciforme de toute picturalité, de toute intention de localiser une chose dans son monde, et la manière par laquelle le signe conventionnel - dans ce cas, la Croix - est naturellement issu d'un référent dans le monde. Chaque toile nous met en présence, non pas de la capacité personnelle et originale de Stella à inventer des formes, mais d'un emblème particulier issu du répertoire commun des signes - étoiles, croix, entrecroisements d'anneaux, etc. - appartenant pour ainsi dire au langage du monde. Avec ces peintures, Stella présente un compte rendu convaincant de la genèse initiale de ces signes, de la manière dont ils se trouvent engendrés par une série d'opérations naturelles et logiques.
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Étant donné le fossé qui s'était creusé entre le sacré et le profane, l'artiste moderne devait évidement faire face à la nécessité de choisir entre deux modes d'expression. Le curieux témoignage que nous offre la grille est que, à ce moment-là, l'artiste essaya d'opter pour les deux. Dans l'espace de plus en plus désacralisé de XIXe siècle, l'art était devenu le refuge de l'émotion religieuse : il devint ( et il est resté ) une forme profane de croyance. Alors qu'on pouvait discuter ouvertement de cette situation vers la fin de XIXe siècle, la chose passe pour inadmissible au XXe siècle - de sorte qu'à présent nous nous sentons terriblement gênés de mentionner l'art et l'esprit dans une même phrase.
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Je ne pense pas exagérer en disant que derrière chaque grille du XXe siècle se trouve - comme un traumatisme qu'il faut refouler - une fenêtre symboliste qui se fait passer pour un traité d'optique.
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Ce n'est pas tout de voir ; la nature veut aussi être sentie et devinée.
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