Je suis partie dans le vent parfumé
échappées belles
chemins buissonniers
Tout ce qui m'appartient
c'est le ciel et le vent
c'est le chant du loriot
et l'odeur des lilas
le vol des hirondelles
un vol de ciseaux vifs
la chevelure offerte
d'une prairie de vent
Devenir souffle clair
Et puis trouver
limpides
les chemins libres des oiseaux
("Versants")
La tendresse
me racine
en terre de printemps
Mes bras déploient
des branches vives
Ma main se tend
pour recueillir
une graine envolée
S'y pose
un souffle de bouquet
le rire des ruisseaux
le rêve des nuées
Je m'en couvre
en caresse bleue
et danse alors
avec les oiseaux
("Versants")
Il y aura des matins qui te ressembleront
mais sans passages
où je te chercherai
Seule avec toi
dans le silence vert
je respirerai au plus léger
l'invisible
Je te retrouverai
("Tournoiements")
Je suis partie
dans le vent parfumé
échappée belle
chemins buissonniers
Tout ce qui m’appartient
c’est le ciel et le vent
c’est le chant du loriot
et l’odeur des lilas
le vol des hirondelles
un vol de ciseaux vifs
la chevelure offerte
d’une prairie de vent
Devenir souffle clair
Et puis trouver
limpides
les chemins libres des oiseaux
(Éditions Théétète, 2001)
Poème-prière d'une mère, face à la perte
de son enfant.
...
Laissez-moi le temps de la parole morte
des mots hannetons à la patte cassée
Offrez-moi le temps de ne savoir rien
d’être incluse dans le temps
Accordez-moi l’expiration des marées basses .
Une Corée d'étéJ-5 (mardi 28/6)
Les rizières reflètent le dessin de la montagne. Les lianes vivaces s'acheminent comme une écriture. Un pic noir tape dans un tronc les points de suspension.
Je ne sais ce que je vais créer. La nature coréenne m'enveloppe. Il me faudra entendre sa parole.
Cet après-midi, descente à Wonju pour acheter du matériel de peinture et des papiers coréens hanji : le papier artisanal fait avec l'écorce de mûrier à papier. Deux peintres en résidence nous emmènent en voiture vers l'activité de la ville.
Régal des conversations avec elles, régal de fouiller dans le magasin de matériaux, régal ensuite de la petite échoppe de tissu dans l'allée couverte de parasols où des vieilles femmes écossent des cacahouètes, vendent des graines dans des sacs de jute, et des soupes de pâtes.
J-8 (vendredi 1er juillet)
Déjà une semaine que nous sommes ici. Je tâtonne entre les mots ; Sylvie fait des essais de supports, thèmes et techniques ; nos moteurs montent en régime ; nous prenons des photos, elle rapporte des feuillages dans sa chambre ; nous n'avons pas encore trouvé la bonne vitesse de co-création ; nous cherchons ensemble. C'est excitinquiétant.
J-10 (dimanche 3 juillet)
Il pleut ; les feuillages acquiescent.
L'érable japonais devant ma fenêtre semble un instrument de musique vert, une sorte de balafon souple, ciselé en volumes délicats, percuté vif par touches subtiles.
A travers les branches, le graphiste céleste joue depuis ce matin avec les trames du tissu de la pluie : un bon jour pour écrire.
Nous avons passé la journée au creux de nos chambres, sans sortir. Le week-end, la cuisinière est en congé et nous pouvons nous bricoler un frichti dans la cuisine de notre bâtiment. La pluie faisait une herse hostile tout autour. Sylvie et moi avons fait le premier pas concret dans notre co-création. Chacune avait avancé dans le ressenti du lieu, l'observation, la mise en route de son expression, et nous les avons associés pour prendre un sentier commun. Heures intenses et pétillantes.
J-14 (jeudi 7 juillet)
Il pleut. Il pleut. Il pleut : la mousson est généreuse. Tous les végétaux de la vallée, forêts et plantations des hommes, tous les arbres, arbustes, buissons, le moindre plant de soja, de maïs, de sésame, chaque pousse de riz, ses milliers de semblables, et la terre aussi, absorbent gloutonnement toute cette eau-cadeau. Les torrents dévalent à pleins remous pressés, dans un son profond, dynamique et continu.
Il pleut, ma chambre est tranquille, j'ai des mots dans la tête et du papier sous la lampe. Sylvie, à côté, a des couleurs sous les doigts et des surfaces blanches à éveiller. Entre nos chambres une terrasse de bois couverte. Je passe voir l'évolution de sa peinture ; nous restons là, au chaud, une tasse ou un pinceau entre les mains, à chercher, à danser entre les lianes et feuilles qu'elle a choisi d'explorer avec une nouvelle technique. Cette liane s'appelle "tchik" en coréen ; c'est une légumineuse, dominante partout, en été du moins car à l'automne elle se fane et disparaît. Elle grimpe, s'adapte, s'enroule, s'amoncelle, n'a peur d'aucun support jusqu'à cinq mètres de haut parfois, et va jusqu'à déraciner les arbres. Les coréens ont avec elle un rapport ambigu : ils en utilisent la racine, le kouzou aux mille vertus (pueraria lobata) comme médicament traditionnel mais redoutent aussi son exubérante emprise. Gracieuse, puissante, elle déploie des grosses feuilles ovales légèrement festonnées et un vert… -comment définir un vert parmi les milliers de verts ?- un vert très tchik !
Sylvie essaie, passe du trait aux masses, en noir et jaune d'or. Pas de vert, il ne manquerait plus que ça ! Elle stylise, pousse les contrastes, s'approche de la sève, cherche l'équilibre entre contours, pleins et interstices, accroche les pans réalisés sur une ficelle tendue dans la longueur de sa chambre, parallèle à son lit. Quand j'entre, je slalome entre ses chaussures, son parapluie, l'étendage, le grand plastique qui protège le sol, et les brassées de feuillages fanés recroquevillés sur une tension qui nourrit son dessin. Sa chambre est devenue toute petite ! Je respire comme une odeur de peinture végétale. Je m'immerge dans ses tableaux, et je lui envoie mes suggestions en écho.
Elle vient chez moi aussi voir sur les "œuvres sur papier" dont j'ai commencé une série, et me donner son avis. Je joue entre mots et matière : les évocations de mes poèmes, les feutres calligraphiques et les possibilités d'un papier de riz très fin, souple, à la résistance-fragilité passionnante. Chaque jour je découvre de nouvelles façons d'exprimer ce que je suis en lien avec le lieu qui nous accueille.
Ces échanges maintiennent intensité, nuances et fluidité dans nos recherches. Quand on arrive aux bonnes questions, on trouve les bonnes réponses. Le but de cette résidence commune est tout à fait atteint, d'une façon inattendue.
J-24 (dimanche 17 juillet)
Il pleut. Heureusement que les mots, les papiers, les couleurs et les formes proposent des variations à l'infini. Nos heures sont créatives et partageantes.
Sylvie m'invite à venir observer la trajectoire d'une nouvelle liane, l'emplacement d'une feuille, les espaces intermédiaires, l'équilibre des masses. Mon regard est distancié, sa main est habile, les tableaux se balancent, trouvant leur justesse.
J-27 (mercredi 19 juillet)
Je m'applique à mes "œuvres sur papier". J'en ai déjà dix comme une exploration de poésie graphique. Nous avançons sur le projet d'exposition avant la fin de notre séjour. Sylvie a presque terminé une série de neuf peintures de tchik. Les poèmes sont nés. Le vernissage sera le 27 juillet.
J'ai trouvé le nom de l'expo, ce sera : "Entre racines et lumière, une danse".
"L'exposition "Entre racines et lumière, une danse" a eu lieu du 27 juillet au 3 août 2011 : 13 poèmes accompagnés de peintures de Sylvie Deparis et 23 "Poésies graphiques" de Roselyne Sibille, accompagnées de poèmes courts (toutes les traductions en coréen par Moon Young-Houn) - Toji Foundation - Wonju - Corée du Sud.
Pour évoquer…
Pour évoquer
les ondes blondes
du vent doux sur la prairie
il me faudrait décoiffer tous les mots
jusqu’à leur musique
"Une Corée d'été"
J-5 (mardi 28/6)
Les rizières reflètent le dessin de la montagne. Les lianes vivaces s'acheminent comme une écriture. Un pic noir tape dans un tronc les points de suspension.
Je ne sais ce que je vais créer. La nature coréenne m'enveloppe. Il me faudra entendre sa parole.
Cet après-midi, descente à Wonju pour acheter du matériel de peinture et des papiers coréens hanji : le papier artisanal fait avec l'écorce de mûrier à papier. Deux peintres en résidence nous emmènent en voiture vers l'activité de la ville.
Régal des conversations avec elles, régal de fouiller dans le magasin de matériaux, régal ensuite de la petite échoppe de tissu dans l'allée couverte de parasols où des vieilles femmes écossent des cacahouètes, vendent des graines dans des sacs de jute, et des soupes de pâtes.
J-8 (vendredi 1er juillet)
Déjà une semaine que nous sommes ici. Je tâtonne entre les mots ; Sylvie fait des essais de supports, thèmes et techniques ; nos moteurs montent en régime ; nous prenons des photos, elle rapporte des feuillages dans sa chambre ; nous n'avons pas encore trouvé la bonne vitesse de co-création ; nous cherchons ensemble. C'est excitinquiétant.
J-10 (dimanche 3 juillet)
Il pleut ; les feuillages acquiescent.
L'érable japonais devant ma fenêtre semble un instrument de musique vert, une sorte de balafon souple, ciselé en volumes délicats, percuté vif par touches subtiles.
A travers les branches, le graphiste céleste joue depuis ce matin avec les trames du tissu de la pluie : un bon jour pour écrire.
Nous avons passé la journée au creux de nos chambres, sans sortir. Le week-end, la cuisinière est en congé et nous pouvons nous bricoler un frichti dans la cuisine de notre bâtiment. La pluie faisait une herse hostile tout autour. Sylvie et moi avons fait le premier pas concret dans notre co-création. Chacune avait avancé dans le ressenti du lieu, l'observation, la mise en route de son expression, et nous les avons associés pour prendre un sentier commun. Heures intenses et pétillantes.
J-14 (jeudi 7 juillet)
Il pleut. Il pleut. Il pleut : la mousson est généreuse. Tous les végétaux de la vallée, forêts et plantations des hommes, tous les arbres, arbustes, buissons, le moindre plant de soja, de maïs, de sésame, chaque pousse de riz, ses milliers de semblables, et la terre aussi, absorbent gloutonnement toute cette eau-cadeau. Les torrents dévalent à pleins remous pressés, dans un son profond, dynamique et continu.
Il pleut, ma chambre est tranquille, j'ai des mots dans la tête et du papier sous la lampe. Sylvie, à côté, a des couleurs sous les doigts et des surfaces blanches à éveiller. Entre nos chambres une terrasse de bois couverte. Je passe voir l'évolution de sa peinture ; nous restons là, au chaud, une tasse ou un pinceau entre les mains, à chercher, à danser entre les lianes et feuilles qu'elle a choisi d'explorer avec une nouvelle technique. Cette liane s'appelle "tchik" en coréen ; c'est une légumineuse, dominante partout, en été du moins car à l'automne elle se fane et disparaît. Elle grimpe, s'adapte, s'enroule, s'amoncelle, n'a peur d'aucun support jusqu'à cinq mètres de haut parfois, et va jusqu'à déraciner les arbres. Les coréens ont avec elle un rapport ambigu : ils en utilisent la racine, le kouzou aux mille vertus (pueraria lobata) comme médicament traditionnel mais redoutent aussi son exubérante emprise. Gracieuse, puissante, elle déploie des grosses feuilles ovales légèrement festonnées et un vert… -comment définir un vert parmi les milliers de verts ?- un vert très tchik !
Sylvie essaie, passe du trait aux masses, en noir et jaune d'or. Pas de vert, il ne manquerait plus que ça ! Elle stylise, pousse les contrastes, s'approche de la sève, cherche l'équilibre entre contours, pleins et interstices, accroche les pans réalisés sur une ficelle tendue dans la longueur de sa chambre, parallèle à son lit. Quand j'entre, je slalome entre ses chaussures, son parapluie, l'étendage, le grand plastique qui protège le sol, et les brassées de feuillages fanés recroquevillés sur une tension qui nourrit son dessin. Sa chambre est devenue toute petite ! Je respire comme une odeur de peinture végétale. Je m'immerge dans ses tableaux, et je lui envoie mes suggestions en écho.
Elle vient chez moi aussi voir sur les "œuvres sur papier" dont j'ai commencé une série, et me donner son avis. Je joue entre mots et matière : les évocations de mes poèmes, les feutres calligraphiques et les possibilités d'un papier de riz très fin, souple, à la résistance-fragilité passionnante. Chaque jour je découvre de nouvelles façons d'exprimer ce que je suis en lien avec le lieu qui nous accueille.
Ces échanges maintiennent intensité, nuances et fluidité dans nos recherches. Quand on arrive aux bonnes questions, on trouve les bonnes réponses. Le but de cette résidence commune est tout à fait atteint, d'une façon inattendue.
J-24 (dimanche 17 juillet)
Il pleut. Heureusement que les mots, les papiers, les couleurs et les formes proposent des variations à l'infini. Nos heures sont créatives et partageantes.
Sylvie m'invite à venir observer la trajectoire d'une nouvelle liane, l'emplacement d'une feuille, les espaces intermédiaires, l'équilibre des masses. Mon regard est distancié, sa main est habile, les tableaux se balancent, trouvant leur justesse.
J-27 (mercredi 19 juillet)
Je m'applique à mes "œuvres sur papier". J'en ai déjà dix comme une exploration de poésie graphique. Nous avançons sur le projet d'exposition avant la fin de notre séjour. Sylvie a presque terminé une série de neuf peintures de tchik. Les poèmes sont nés. Le vernissage sera le 27 juillet.
J'ai trouvé le nom de l'expo, ce sera : "Entre racines et lumière, une danse".
NUIT OU MONTAGNE
Nuit ou montagne
une peur gagne fantôme sombre
Le ciel regarde encore
Terre d'orage emmenée dans la nuit
Chevaux fous au galop dans la nuit
Le ciel a fui
ciel et sol
unis de nuit
de glaise d'orage
mêlés matière commune
au galop forcené de la nuit sans mémoire fantôme fou
En agonie d'orage est né le ciel ce matin
Les grondements trébuchent
Les collines s'agrippent aux arbres
Ciel marbré tenu en laisse
Déluge horizontal
Je ne sais pas où va le vent
Poème-voyage d'une mère, entre poèmes et proses,
écriture sur l'inconcevable, l'impénétrable, l'impensable,
l'inacceptable, l'inadmissible, en un mot sur l'incognoscible
décès d'un enfant.
Envie de voir encore des sourires des projets le reste
Envie de donner ma force
Ne pas laisser rouler la vie dans le vide sans fond
Rester en lien avec eux
Déchirure insupportable
qu’il me faut supporter
Les larmes collées dans la gorge, je voudrais
continuer à écrire, à donner ce qui m’habite, toute
cette gravité aussi désormais. Je ne sais pas
comment se fera l’alchimie, passer de la panique, du
manque, du vide, de la conscience aussi de sa
présence impalpable, à l’écriture. Je ne sais même
pas si cette alchimie aura lieu.
Vie et mort
à parts égales
de chaque côté de la lumière