Rosemay Nivard

Oiseaux



Comme canard dresse ses plumes de noces
Comme casoar court en Nouvelle-Guinée
Comme le cardinal en rouge vif se vêt
Je m’apprêterai d’amour et je ferai la cour
Comme le tisserand dans le champ de maïs
Comme le toulite de son chant insolite
Comme le bec-rose au bord du sentier
Je chanterai l’amour je sifflerai autour
Autour du jardin de blancs goyaviers
Parmi l’odeur douce du beau jasmin du soir
Parmi les belles de Nuit odorantes
Parmi les pluies-d’or ondulantes jaunes
Je mériterai l’amour je serai plain d’atours
Parmi les pots de fleurs étalés comme bijoux
Parmi les poinsettias les seringas les dahlias
Parmi les capillaires les songes les fleurs
Je résonnerai d’amour je resplendirai d’amour
Si tu me dis je t’aime reste mon amour

/ revue Le Chaînon poétique n° 51 – Avril 2004

 
 
Mais qu’est-ce donc, être heureux ?
Profiter lorsque le jour se lève
de l’écharpe rose de la montagne
danser sur la pointe du son de cloche du matin
cueillir le roulis du vent sur l’échine de la feuille
regarder l’autre et ne plus penser à ses cicatrices
être bien

Laveuse


Extrait 1/2

D'un coup de rein ferme se met en route la femme
Elle va pieds nus danseuse au ballot de linge
Pas rythmés traces humides sur les pierres chaudes
Roulis feutré dans les sous-bois et jupe qui tangue

Bruit des branches qui frottent le ballot Roulent cailloux
Tel le félin dans la savane physique musclé mollets de fer
étrange maîtrise saute de pierre en pierre
Oiseaux dérangés par notre passage à l'aube

Initiatique voyage sans un murmure
Sans un sourire sans une plainte Luminosité
Dernière pente Une haie de poivriers
arbustes brillants feuilles vertes et baies rouges

Spectacle du lieu Danseuse à l'arrêt Beauté
Une main à la hanche l'autre sur le ballot dressé
Elle savoure ma joie comme une réussite
Je suis sur son territoire je n'ai plus de voix…

Laveuse


Extrait 2/2

… La sienne [sa voix] est rauque dure tel ses mollets de fer
Son créole est différent cela l'amuse un peu
Nommer les libellules les étonnants mélanges
Vert fluorescent rose irisé élégants bleus

Jeux circulaire des presque étoiles sur l'onde
Rivière qui déroule son tapis de soie
Piscines naturelles qui reflètent les rochers
Tremper mes pieds dans l'eau fraîche Grains noirs du sable

Le ballot descend de sa tête Le cri des oiseaux
Brosse en bois Bulles remplies de soleil s'envolent
Mousse au creux de ses longues phalanges fluides
Bulles que le soleil tue de sa lumière

Remonter avant le coucher Une fois le linge sec
Baignade dans le glougloutement de la rivière
Petits pas joyeux du bleu dans les yeux Sauts de pierres

 
 
Pas de sable, non, des roches je crois
Elles restent en équilibre dans ma tête, j’y suis perchée pour une photo sans fin
Prise par habitude, lorsque l’amour se dégrade aux entournures
Un sourire machinal, croquant au passage les senteurs d’une solitude tapie
Marche débutante de l’agonie de ce couple, les pierres resteront, elles.
Flou de leurs contours, rondes comme les galets de Mentons en face de notre hôtel Westminster ?
Que de liens n’avons-nous pas eu, petits bolducs roulés sur le cadeau de l’existence ?
Que de peines enfouies en moi, pensais-je les jeter au pied des vagues d’Étretat ?
J’entends la musique du vent d’automne jouer son pipeau de contes,
celle que tous les amoureux
Les gestes en éraflure, le sang glacé par les battements d’aile des mouettes
Le cœur devenu brutal mais ne voulant l’admettre
Appareil photo de guerre, suivant au flot glacé ce chant, petits rats,
Dansent
danse mortelle de l’amour.