Rylie Dark

Elle était sur le point de lui dire qu’à son époque, les seules personnes qui vivaient à cet endroit étaient des chasseurs et des pêcheurs, mais se ravisa au dernier moment. Le shérif Cooper ne savait pas qu’elle était du coin. C’était sans importance, se dit Sadie. Son passé ne regardait qu’elle et n’avait rien à voir avec le shérif et sa sœur hostile. Pourtant, pour une raison inconnue, elle était méfiante à l’idée de lui dévoiler trop d'informations sur sa personne. Il était déjà réticent à son implication et elle sentait que cela ne ferait qu’empirer s’il apprenait qu’elle n’était pas totalement une étrangère. Sadie ne voulait pas non plus être jugée. Les questions sur les raisons de son départ finiraient par arriver. Elle savait qu’elle ne pourrait pas les éviter indéfiniment, mais n’avait pas envie d’y répondre pour le moment. Surtout en ce moment, avec cette première affaire qui remuait des souvenirs douloureux. Les faisant remonter à la surface exactement comme le corps des victimes du lac.

Il y avait peu de choses
plus répugnantes à ses yeux qu’un homme se faisant de l’argent grâce aux corps
de femmes vulnérables. Elles étaient, d’après son expérience, très souvent bmineures, tout juste sorties de la tutelle de l'État ou droguées. La majorité du temps les trois à la fois.

Elle acquiesça calmement pour ne pas montrer son dégoût. Même si elle avait très envie d’arrêter Montgomery sur-le-champ, son travail de proxénète n’était pas la raison de leur présence.

Sadie était désormais certaine que la mort de Verity n’était pas un accident. La fille, si c’était bien elle, était à la fois une consommatrice de drogues dures
doublée d’une prostituée. Les statistiques ne jouaient pas en sa faveur lorsqu’il s’agissait de vivre une longue vie ou de connaître une mort naturelle.

Ce n’était pas le visage d’un autre corps. C’était son visage. Son jeune et beau visage, qui ne regarderait jamais plus un autre patient avec gentillesse, ou qui ne se contracterait plus pendant qu’elle réfléchissait à un diagnostic délicat. Elle ne rirait plus jamais, ne pleurerait plus jamais. Les yeux de Morgan s’embuèrent de larmes et, pendant un instant, ce ne fut pas Lexa qu’il vit, mais Fiona. Il n’avait jamais eu ce moment avec sa sœur, jamais de deuil. Un jour, elle était là, et le lendemain, elle disparaissait. Il n’avait jamais pu lui dire au revoir.

Sadie observa le visage de la fille. Ses lèvres étaient retroussées dans ce qui
ressemblait à une grimace de terreur et elle se demanda à quoi avaient ressemblé ses derniers instants. Avait-elle vu le visage de son agresseur ? Le connaissait-elle ? Sadie sut d’instinct qu’il
s’agissait d’un meurtre, et même d’un meurtre brutal. Elle ressentit de la compassion pour l’inconnue, espérant que sa mort avait été rapide.

Pour moi, l’Alaska est le meilleur endroit sur Terre, mais beaucoup
n’arrivent pas à supporter le froid et la neige. Ce travail peut être calme bpendant plusieurs mois. Nous avons eu cinq agents à votre poste ces quatre dernières années.

Sadie ne fut pas surprise, mais elle se doutait que le climat n’était pas la seule raison. Moins de grosses affaires signifiait moins de chance d’être promu.

On finira sans doute par découvrir que c’était une histoire de violence conjugale ou une dispute sous l’influence de l’alcool. Enfin, s’il se trouve que
quelqu’un l’a bien noyée de force. C’est difficile à déterminer dans ces lacs.
Si vous étiez du coin, vous le sauriez. Vous perdez votre temps. Vous pouvez repartir et assurer à Golightly que le shérif et moi contrôlons la situation.

Elle l’examina avec la logique professionnelle qu’on lui avait enseignée, doutant de trouver quoi que ce soit. Et il n’y avait pas de raison de penser que le médecin légiste ait manqué quelque chose, mais son expérience lui avait appris à toujours vérifier deux ou trois fois. Personne n’était infaillible. On pouvait toujours manquer
des détails et ces détails pouvaient être cruciaux.

Si vous vouliez mettre une infirmière ou un médecin dans une position vulnérable, la meilleure façon serait de leur faire croire que vous êtes blessé. Ils se concentreraient sur la blessure et sur les soins à prodiguer. Mais si la personne n’était pas réellement blessée, elle pourrait facilement attaquer l’infirmière ou le médecin sans qu’ils ne s’y attendent.

La plupart des ours se contentent de faire leur vie et n'attaquent qu'en cas de menace, ou évidemment de faim. Les ours viennent parfois renifler autour des chalets, mais c'est souvent plus par curiosité que par agression. Cependant, ce
sont des opportunistes. Si notre gars était affamé et a croisé Marie…l'occasion était peut-être trop belle.

Ça avait été un amour de jeunesse, rien de plus, mais elle en gardait de bons souvenirs. Le clown de la classe avec sa mèche de cheveux platine et son sourire charmeur. C’était la dernière personne qu’elle aurait vu grandir et sombrer dans ce genre de choses. Elle fit de son mieux pour masquer son choc en lançant un regard en coin à Cooper.