Le 9 juillet 2006, finale de Coupe du monde, devant la planète entière, Zinedine Zidane entre dans l'arène, pour conquérir sa fin rêvée : un sacre éternel. Pour la première fois de son histoire, les quatre acteurs de sa tragédie intime sont là, dans cette arène, sous le regard du monde. Inzaghi, le double obscur. Nâdiya, la maîtresse fatale. Véronique, l'épouse qu'il peut perdre. Et l'ombre du père, toujours. A l'heure du rendez-vous suprême, la gloire l'attend peut-être, mais ses contradictions le rattrapent. Inzaghi le déshonore, Nâdhiya l'égare, et il doit à son père, et il doit à sa femme, et il doit à son mythe. La tension est inhumaine, et monte, et monte encore, insupportable crescendo. Il décide de se mettre lui-même à mort, dans une mort douce d'abord : blessé, il demande à sortir ; Domenech refuse. Captif de l'arène et d'un magma d'angoisse, le taureau fonce sur le torero. Il explose un joueur, pas n'importe quel joueur : celui qui, dans ses mots, agite la cape rouge, mais surtout l'homme qui, fait rarissime, porte aussi ZZ dans son nom : MateraZZi. ZZ prend, en pleine poitrine, à l'endroit du cœur, le coup qui symboliquement tue Zinedine Zidane. Apothéose d'un drame.
Cette manière, procédant du silence, de l'ombre et du mystère, est celle qui, chez Zidane, a cours dans la sphère de sa sensibilité affective, dans le registre "yin" de son être. Quand Zidane se sent trahi, ou plus exactement offensé, par quelqu'un auprès de qui ses sentiments ne sont pas engagés, la réponse est résolument "yang", pouvant même aller jusqu'à une certaine violence. (...)
Entre le silence blessé,"yin", et le passage à l'acte vengeur, "yang", nous voyons qu'un couple d'extrêmes cohabite en Zidane, formant un équilibre singulier qui se trouve au principe de cette figure masculine à la fois sensible et puissante.