Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh

Faut-il interdire toute circoncision non médicale ? À cette question qui peut déchaîner les passions, l'auteur répond que oui, dans un texte ouvertement à charge.



L'essai commence par un rappel historique sur la circoncision masculine et féminine, pratiquée principalement dans un contexte religieux. Dans les religions modernes, la circoncision masculine est pratiquée principalement dans le judaïsme (symbole de l'alliance entre Dieu et son peuple), dans l'islam (pas de prescription religieuse explicite, mais coutume fortement ancrée) et chez les chrétiens qui accordent une importance particulière à l'ancien testament. La circoncision féminine a aussi été pratiquée par ces religions, mais est tombée en désuétude plus rapidement.



L'argument d'autorité religieux fonctionnant de moins en moins bien au fil du temps, la pratique a été justifiée comme apportant des effets positifs sur la santé (tout comme le jeûne et d'autres pratiques). Les effets bénéfiques apportés varient cependant beaucoup selon la culture majoritaire du moment : quand la sexualité doit être contrôlée, la circoncision freine la masturbation, diminue le plaisir et la libido, quand elle est au contraire bien considérée, elle augmente la durée des rapports sexuels et lutte contre l'éjaculation précoce. Le nombre de maux qu'elle est censée prévenir se modifie rapidement. Il est difficile de se faire une opinion aujourd'hui sur son rôle dans la prévention de certains cancers ou du sida, chaque camp possédant des études irréfutables prouvant que l'autre a entièrement tort. Néanmoins, avec le recul sur les arguments avancés depuis un siècle, on a l'impression de se retrouver devant une poudre magique qui guérit tout. À noter cependant que les arguments de l'auteur contre la circoncision ne sont pas non plus exempts d'exagération, la liste de maux qui lui sont attribués n'est pas plus courte que les bienfaits : infidélité, troubles psychologiques, tendance au viol et à la violence, suicide, ...



L'auteur dénonce également la scission qui a été faite entre circoncision féminine, largement combattue et renommée « mutilations génitales », et la circoncision masculine, largement tolérée. Cette scission ne se justifie pas pour lui, les deux pratiques ayant les mêmes origines, et les mêmes critiques et arguments de défense s'appliquent aux deux. Cette posture serait principalement politique, s'attaquer à la circoncision masculine pouvant être considéré comme une attaque frontale contre deux grandes religions, et donc à éviter, tandis que la circoncision féminine est plus marginale et donc beaucoup moins défendue. Il existe aussi un biais culturel : le combat est mené principalement par l'Occident, qui ne pratique pas la circoncision féminine. S'attaquer uniquement à celle-ci est donc s'attaquer à une coutume étrangère (et donc barbare par définition) et évite de provoquer des débats et des tensions parmi ses propres concitoyens.



Au final, ce sont deux versions de l'individu qui s'affrontent : pour l'une, il est interdit d'imposer à un enfant une opération chirurgicale non nécessaire et irréversible, qu'il ne peut pas refuser et dont il est incapable de comprendre la signification. À lui de juger, une fois adulte, s'il souhaite ou non l'effectuer. Pour l'autre, cette pratique est une obligation religieuse ou sociale, et l'interdire est considéré comme une agression pure et simple d'une autre culture sur la sienne. Bref, un énième bras de fer entre droits individuels et droits communautaires, qui n'a pas fini de faire couler de l'encre.