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Citation de clairemarinferret


— La sœur de Julie, comment dire… elle est
homosexuelle, elle aussi ?
— Ça va pas, non ! Une dans la famille, ça fait
déjà assez, vous croyez pas ?
— Je ne sais pas. Votre ex-femme a mal élevé ses
trois enfants ?
— C’est possible. Ça dépend des points de vue.
En tout cas, pour Julie, ça a été la merde.
— Pourquoi ?
— Déjà à l’adolescence, c’était clair qu’elle avait
des tendances. Une fois au collège, ils ont convoqué
sa mère parce qu’elle avait dit à sa prof de français
qu’elle l’aimait. Moi, j’y suis pas allé, j’avais pas
envie de me faire mettre la honte par ses profs.
— Vous pensez que sa mère est la cause de son
homosexualité ?
— Ça m’étonnerait pas. Elle est capable de tout,
celle-là, c’est une sorcière.
— Vous avez une idée de la manière dont elle
aurait pu s’y prendre, et pourquoi elle l’aurait fait ?
— Vous pouvez toujours lui poser la question.
Je crois que c’est quand même elle la mieux placée
pour vous répondre.
— Vous vous êtes senti plus proche de votre
fils… Dylan, c’est ça ?
— Oui, c’est Dylan, en souvenir d’un ami de
mon père qui était souvent à la maison. Il était
d’origine irlandaise. Je m’entendais bien avec lui. Plus
qu’avec mon propre père. Mon père avait la main
lourde et le coude léger, si vous voyez ce que je veux
dire, toujours un verre à la main. Il était brutal,
personne n’était pressé qu’il rentre à la maison. Quand
il était là, tout le monde se barrait. Il cherchait des
noises tout le temps. Il faisait des histoires pour un
oui ou pour un non, comme s’il voulait se passer
les nerfs sur nous. On devait se tenir à carreau,
pas moyen de faire des conneries de gamin.
Et il fallait pas lui raconter des salades à celui-là,
sinon tu pouvais plus t’asseoir pendant un bon
moment. Il avait une Motobécane qui pétaradait.
Quand on l’entendait passer le coin de la rue, on
commençait déjà à avoir mal au ventre, ma mère
se mettait à trembler. C’était plutôt comme un
frissonnement, une sorte d’onde mauvaise qui se
propageait. Elle était pas bien, la pauvre ! Quand
Dylan venait, ça nous faisait une respiration. Mon
père et lui s’étaient connus dans un boulot mais
Dylan ne buvait pas comme un trou, il était plus
raisonnable, je l’ai jamais vu ivre. Je crois qu’il
nous aimait bien, nous les enfants. Je pense même
qu’il en pinçait pour ma mère. Peut-être que mon
père s’en rendait compte mais qu’il le laissait faire
pour avoir la paix, ou parce qu’avec ma mère ils
s’aimaient plus. Ou peut-être bien que mon père avait
une poulette ailleurs.
(Enregistrement n°3, Marc Desbordes / Jacques Roussiol)
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