Sarah Chardonnens - Mérites de La Tour-de-Peilz 2016
Ne pas oser, c’est s’exposer aux regrets. « Si j’avais… », le conditionnel est le pire des ennemis. Il est mortel, car il est indépendant de la volonté. On subit le conditionnel alors qu’on agit sur le présent.
Ce voyage n’est d’aucun intérêt hormis, peut-être, un moyen de rappeler que rien n’est impossible dans la vie, qu’il n’y a pas de fausses ou de mauvaises routes dans la vie, que des routes différentes et qu’il faut oser les emprunter. Les contrariétés mécaniques ou les appréhensions liées à l’inconnu de l’itinéraire ne doivent jamais nous décourager. Bien au contraire ! […]. Il est ensuite impératif de se remettre en selle et de repartir toujours.
― Badi eshteri motor ! (Je veux acheter une moto)
― Toi ! me rétorqua-t-il, incrédule.
Après avoir jeté un bref regard circulaire autour de moi, je lui répondis calmement
― Mon ami, je ne vois personne d’autres !
Ce fut la plus belle négociation de ma vie. Des écharpes, des tapis, des appartements même, j’en avais négocié, mais alors une moto… Avant même de pouvoir marchander l’engin, il m’a fallu négocier le principe même de pouvoir l’acheter. Ce principe de commerce est, ma foi, peu répandu. De manière générale, la solvabilité de l’acheteur demeure la seule préoccupation du vendeur. J’agitais la somme d’argent en dollars américains sous le nez du vendeur, mais cela ne suffit pas à le convaincre. La transaction me coûta trois jours de négociation avant que le bonhomme n’accepte, finalement de me la vendre. […]. Je n’étais absolument pas habituée à l’exercice du devoir négocier le principe avant même de pouvoir négocier le prix.
Ce récit est peut-être un hommage à l’extraordinaire simplicité de la vie ordinaire, comme pour rappeler que l’essentiel se trouve, bien souvent, dans un sourire, une parole, un geste. Une simplicité humaine trop souvent inhibée par la complexité et la tiédeur des relations sociales d’un quotidien qui se voudrait, paradoxalement, chaleureux et accessible.
Je me rendis seule au cinéma. Le protagoniste principal du film avait quitté son Argentine natale afin de remonter le continent sud-américain avec sa Norton 500 cm3.Ce qui devait être un simple voyage de quatre mois entre amis se transforma, rapidement, en une véritable aventure humaine, en un éveil social. A son départ, il n’avait que vingt-trois ans et n’était alors qu’un simple étudiant en médecine. A son retour, il était devenu le Che.
Notre regard change au fil de la route. Ou est-ce que ce sont les routes que nous empruntons qui changent notre perception de la vie et de ce qui nous entoure ?