Mon paysage intérieur a changé. J'y sens une présence invisible, le souffle d'une vie et d'une espérance nouvelle auxquelles je suis incapable de donner un nom.
Alors je devrais vivre rongée de chagrin.
Pourquoi ? En ce qui me concerne je jouis encore de toute ma raison et je sais pourtant que celui que j'adore ne m'appartiendra jamais en ce monde.
Dans l'au-delà sans doute car Dieu est bon.
Je ne sais. Je le vois vivre et cela me suffit. S'il meurt ma vie continuera peut-être, mais, intérieurement, je serai morte...
Lové sur sa couche, le regard perdu au plafond, il lui advint mille fois de dessiner en pensée le visage de sa mère adorée, modèle de douceur, de distinction et de grâce. Et c’était bien là le seul souvenir qui lui humectait les yeux de larmes sincères.
En ce mois de mai finissant, le soleil vagabonde sur la vasque du patio et, par instants, l'eau prend de blonds reflets bleutés. Dans un fauteuil je me suis immobilisée. Sur un miroir haut placé je vois se refléter le pensif visage de mon frère. Attardé devant une image fanée de la Vierge, il jette dans un cendrier noir d'infimes pincées d'encens que l'odeur de le fleur d'oranger, vibrante et forte, ne parvient pas à vaincre tout à fait.
p.11 incipit
Rentrée de l'église après avoir vainement attendu les futurs époux, Douceline trouva son amie sur son lit, la tête contre l'oreiller de dentelles, la chevelure nimbée d'une rose.
On la pleura beaucoup ; ses obsèques lui tinrent lieu de noces.
Il renouvela sa garde-robe, fréquenta un salon d'esthétique et fignola le tissage de sa toile dans l'espoir d'y voir tomber une libellule plutôt qu'une mouche à miel, et ce fut une libellule, de la plus belle espèce.