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Citation de viedefun


Alors – mue par le courage, la lâcheté ou l’abus de sherry, elle ne le saurait jamais –, elle décida de lui répondre. De toute manière, la situation ne pouvait empirer.
-Je suis venue vous demander de m’embrasser, avoua-t-elle dans un chuchotement. Ce n’était pas la réponse à laquelle Gabriel s’attendait. Ces mots timides avaient été prononcés d’une voix si peu audible qu’un instant il crut s’être trompé, mais le visage enflammé de la jeune femme suffit à le convaincre que lady Calpurnia Hartwell venait de lui faire une proposition parfaitement inconvenante. La soirée avait pourtant commencé de manière anodine. Encore bouleversé par l’arrivée de Juliana, il avait refusé toutes les invitations et dîné en famille avant de se retirer dans sa chambre, avec l’espoir que son piano lui offrirait une distraction bienvenue. Il avait fini par se perdre dans sa musique… jusqu’au moment où un coup frappé à la porte avait annoncé l’arrivée de lady Calpurnia. Gabriel enveloppa la jeune femme d’un regard rapide, mais direct. Elle n’était pas sans attraits – un peu quelconque et trop ronde, mais c’était sans doute son ample cape noire qui donnait cette impression. Elle avait des lèvres charnues, une peau sans défaut, et de beaux et grands yeux qui étincelaient d’émotion. Il s’interrogea brièvement sur leur couleur avant de s’obliger à revenir à la situation présente. C’était manifestement la première fois que lady Calpurnia se livrait à un acte aussi audacieux. S’il n’avait pas déjà su que sa réputation était sans tache, il l’aurait deviné à son embarras extrême. Il connaissait la petite Calpurnia Hartwell de vue parce que, depuis des années, elle faisait partie du décor des salons et des salles de bal. Elle déroba son regard au sien. Les yeux baissés sur ses doigts qu’elle triturait, elle glissait des coups d’œil subreptices vers la porte comme pour évaluer ses chances de s’enfuir de la pièce. Il ne put réprimer une bouffée de compassion. Pauvre petite souris qui, de toute évidence, se retrouvait dans une situation bien trop épineuse pour elle ! Il aurait pu jouer les parfaits gentlemen, prendre pitié d’elle, lui offrir le moyen de rentrer chez elle et lui promettre d’oublier toute l’affaire. Mais il pressentait qu’en dépit de sa nervosité quelque chose en elle répugnait à s’arrêter là. Jusqu’où irait-elle ? Il était curieux de le découvrir.
-Pourquoi ? Prise de court par sa question, elle écarquilla les yeux, puis se hâta de les détourner de nouveau.
-Par… pardon, monsieur ?
-Pourquoi une telle requête ? Notez que je suis flatté, évidemment. Mais vous admettrez que c’est plutôt curieux.
-Je… je ne sais pas.
-Cela, ma belle, n’est pas une réponse acceptable, fit-il remarquer en secouant la tête.
-Vous ne devriez pas m’appeler comme ça. C’est trop familier. Il ne put réprimer un demi-sourire.
-Vous êtes dans ma chambre à coucher et vous me demandez de vous embrasser. J’oserais dire que nous avons franchi la limite des convenances. Je répète donc ma question : pourquoi ? Elle ferma les yeux, l’air si contrit qu’il crut, l’espace d’un instant, qu’elle ne répondrait pas. Puis ses épaules se soulevèrent tandis qu’elle prenait une profonde inspiration, et elle déclara simplement :
-On ne m’a jamais embrassée. J’ai pensé qu’il était temps. Il n’entendait dans sa voix ni plainte ni apitoiement sur elle-même, juste une honnêteté qui lui inspira, malgré lui, une certaine admiration pour son courage. Il ne devait pas être aisé d’admettre une telle chose.
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