C'était Edith Piaf. Ce fut magique. Je l'ai ensuite entendu plusieurs fois à cette époque-là et à chaque fois, ça me faisait le même effet. Non seulement cette voix me troublait mais j'associais dans mon esprit enfantin cette chanson à ma vie. Le froid c'était mon froid, celui du vent du nord qui soufflait dans les dunes. Le confortable c'était la chaleur de la cuisine, de ma mère, de mon petit frère qui dormait encore dans son berceau et surtout je me demandais souvent en marchant vers l'école, qui pouvait bien être ce Milord. Cet homme qui portait le même nom que le caniche de notre tante Zoé. Je l'imaginais grand, habillé d'un gros manteau noir comme celui de mon grand-père et marchant seul sur le long boulevard. Notre sinistre boulevard où crépitait la pluie des journées entières et qui traversait, comme la trace d'un coup de fouet, les dunes, ces grands dames blondes aux cheveux pointus. Il pleurait. Cet homme pleurait. Etrange pour un enfant. Pourquoi pleurait-il ? Etait-il perdu ?