Victime d'une diarrhée aiguë permanente de l'esprit, une forme d'Ebola du cerveau.
Son bureau est à la hauteur : minable. Quelques phrases de gourous de la motivation sur un tableau blanc effaçable posé contre le mur. « La différence entre ceux qui réussissent et ceux qui échouent, c’est que ceux qui réussissent réessayent ! » Ou encore : « Que ceux qui pensent que c’est impossible cessent de déranger ceux qui le font. » Pire, sur le mur et en lettres rouges : « The happiest start-up in the world. » Pure poésie naïve. Pourtant, croyez-moi, les grandes phrases ne sont pas nécessaires pour vendre de la pub. Mais ces gens-là ont besoin de s’inventer de l’importance. Pour eux, Steve Jobs est un génie. Leur idole est un vendeur de téléphone.
Je lui lance gaiement :
- Tu as l'air crevé mon vieux !
Bam ! Dix ans en pleine tête. Si vous voulez rendre quelqu'un dépressif, répétez-lui tous les jours qu'il a l'air malade.
Je sais que c’est ignoble mais la vidéo est devenue un véritable phénomène. Il y a un petit côté voyeur mais on n’a jamais vu un truc aussi…
C’est juste qu’ils veulent des personnes productives et que les personnes les plus productives sont des chienchiens. Des chienchiens qui raffolent de susucres. Ainsi, ce qui compte le plus pour un bon employé chienchien, c’est d’avoir un joli bureau. Une belle interface cerveau/boulot. La première chose à faire quand vous dirigez des êtres vivants, c’est donc d’aménager leurs bureaux avec soin. Les règles sont simples. Que personne n’ait un bureau plus agréable qu’un autre. C’est vital. Les hommes d’aujourd’hui sont des égalitaires féroces, radicalisés par la démocratie. Leur devise ? « Égalité, égalité, égalité ».
Des codes qui devinent ce qui devrait vous plaire. Sauf qu’en réalité, ces codes analysent ce qui vous plaît déjà. Quand on vous indique « vous aimerez peut-être », en fait, vous aimez déjà. Eh oui, l’abondance de l’information amène en fait chacun à regarder toujours plus de la même chose. Nos trois héros fondateurs avaient permis d’engendrer en un demi-siècle leur pire cauchemar : une machine à cultiver l’ignorance. Ils eurent la chance de mourir avant de voir ça. C’est drôle comme, après d’invraisemblables rebondissements, les grandes idées finissent toujours par exploser à la tête de l’humanité.
C’est raciste de dire Arabe ? Pardon alors… Mais c’est quand même moins raciste que d’avoir des esclaves. Et c’est quand même génial d’avoir standardisé l’esclavage. Des esclaves dirigés par algorithmes. Des esclaves qu’on ne voit que lorsqu’on a besoin d’eux. Idéal. Et puis quoi, ça leur fait du travail, hein?
J’ai alors déclaré que les morts sont plus heureux d’être déjà morts que les vivants d’être encore en vie, et j’ai déclaré plus heureux encore que les uns et les autres celui qui n’a pas encore vécu, puisqu’il n’a pas vu le mal qui se commet sous le soleil.
L’Ecclésiaste
Dans la vie il faut du respect. Les gens d’aujourd’hui n’en ont aucun. Lui, il est là pour travailler. C’est un grand moment d’échange.
On est devant mon bureau, déjà. Quand je sors, il me dit que c’était un plaisir de faire le trajet ensemble. « Plaisir partagé. »
On les a eus jeunes. Lucas et Manon. Prénoms de merde. J’ai trente-cinq ans et Maud, sans e, ma femme, trente-quatre. Lucas a quatorze ans, Manon douze. Malheureusement la combinaison génétique entre leur mère et moi est un fiasco.