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Citations de Sébastien Vidal (157)


Ils contemplent la fin du monde rétrécie au périmètre du village, ce cloaque où infusent de vieilles haines et d'anté-diluviennes peurs. ll n'y a rien à dire, simplement le reconnaître et décider de la personne que l'on veut être. La bise est inépuisable, elle attaque et attaque encore, soulève, remodèle et bouscule. Les pays ventés portent en eux une résignation, la fatalité du vent qui sera toujours supérieur, contre lequel on ne peut rien d'autre qu'endurer, la tête baissée et les yeux plissés, les oreilles saoules de son hurlement. Le vent harceleur et invisible, gourou des grands espaces qui égrise les patiences, érode les volontés et finit par tout désagréger. A cet instant où le jour se ratatine et se meurt, ils ressentent tous les trois une mélancolie aussi violente que passagère, un moment de faiblesse corrélé aux décibels du blizzard et à la fuite de la lumière, La nuit est en route et elle est en avance. Elle n'apporte que l'angoisse, des questions, une promesse de fatigue et des fantômes.
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«Un homme et son chien »

C'est un feu qui s'étouffe dans ses dernières braises
Le vent délicieux emporte son panache dans les hauts sapins
Un homme courbé trempe son regard dans les flammes
Et la nuit autour se rapproche comme une meute de loups
C'est l'obscurité qui s'immisce même sous le tapis de feuilles
C'est le silence qui se faufile entre les craquements des branches sèches
Un bomme avec son chien, assis et se partageant les étoiles
Sous la fine lueur d'une lune presque heureuse de sourire en biais
Ils font la route ensemble, jambes fatiguées et langue pendante
Des sentiers au bitume et des chemins à l'astphalte gris noir
Ils marchent dans l'ombre de l'autre en écoutant son cœur fidèle
Ils n'attendent rien d'autre que ces yeux embrumés et ces effleurenents tendres
Que la route est belle quand elle ne nécessite aucune laisse sur aucun cou
Que le vent sèche la sueur et que la main n'offre que des caresses
Deux animaux qui se veillent comme la nuit protège ce qui doit rester caché
Sous la tenture étoilée et remplis de plénitude, un homme et son chien assoupis.
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La tempête a façonné la neige et des congères se sont formées à certains endroits comme des vagues immobiles. La lumière se retire alors qu'elle n'est jamais vraiment arrivée. Les replis obscurs gagnent en profondeur, des recoins deviennent impénétrables, et, si cela est possible, le village se fait encore plus triste et morne. Ils ne disent rien parce qu'il n'y a rien à dire d'autre que des banalités, et ils en ont trop prononcé et trop entendu au cours de leur existence. À cet instant où ils ont la sensation de flotter, ils n'ont besoin que de silence, ce silence qui n'est rien d'autre que l'absence de mots et qui leur fait une belle couverture qui protège et tient chaud. Victor réfléchit à ce concept de silence. Oui, pour lui, ce n'est que ça, l'absence de paroles. Le silence idéalisé, celui que l'on voudrait absolu, n'existe pas. Il y a toujours un son, son, un bruit, même atténué. La forêt, que l'on considère comme étant l'endroit sacré du silence, est un des lieux naturels les plus bruyants au monde. Les oiseaux piaillent, les troncs des arbres grincent, le vent et la simple brise animent les ramures pour en faire un orchestre incomparable. Seules les bouches scellées et les langues inertes fabriquent le silence immaculé. Dans ce vide, dans cette absence, naissent des choses fabuleuses. Nous sommes donc les maîtres du silence.
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Contrairement aux humains la douleur n'a pas besoin de dormir, elle est à l'ouvrage à chaque seconde, tant que sa cible est vivante, elle vit et mâche, déchire, lamine avec une patience qui décuple sa force et son endurance. Et elle rit de son labeur, parce que, luxe suprême, quand sa proie est morte au bout d'une interminable agonie, elle se transmet aux proches et peut continuer son œuvre d'élision. Seule la parole peut la tuer, mais quand il en bave, l'humain se mure souvent dans le silence et bâtit ainsi son propre tombeau.
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Chacun se replie sur lui-même pour s'éloigner de la réalité, pour se donner un peu de trmps avant d'accepter la situation. Comme un fol hirsute marchant dans la rue avec une cloche et un écriteau pour annoncer la fin du monde, le blizzard lance des incantations sur la montagne. Il pèle les contreforts, cisaille des arbres et cloue les rêves au sol. Sa puissance tue dans I'oeuf toute volonté d'opposition, il est vif, véloce, il peut deraciner un sapin comme on arrache un brin d'herbe. Il plane très haut sur les massifs, hors de la vue humaine il râpe les sommets et décapite leur coiffe de neige glacée en hurlant dans les aigus. Tout ce qui vit au-dehors est soumit au joug du vent déchaîné, et chaque animal attend, en boule dans le moindre abri, que la colère d'Éole faiblisse. Sa voix lugubre et omniprésente sape le moral des trois assiégés, parce que c'est ce qu'ils sont, des assiégés. Sa mélopée a des allures d'oraison funèbre et Marcus a de plus en plus l'impression qu'elle s'adresse à eux.
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Le jour est là, la nuit s'est réfugiée dans les sous-sols, dans les greniers et les aves humides. Elle s'est repliée au plus profond des forêts et peut-être aussi dans le tunnel. Elle n'est pas partie loin car elle sait que l'intermède sera bref. La lumière qui ratisse le village tombe de fatigue. Grise, lente, dessinée au crayon de papier. Elle jette sur toute chose un masque de mort, une allure affligée d'exister. Les toits alourdis de neige donnent I'impression de s'affaisser. Les façades en pierre paraissent plus sombres, pareilles à des entrées de cimetières. Il n'y a pas un être vivant qui se signale, pas même un animal ou un choucas, ce corbeau des altitudes habitué à toiser les humains, drapé dans son silence, dont la robe noire a toujours alimenté les croyances les plus sombres. Les bourrasques poudrent I'air de flopées de flocons, c'est presque des spectres qui se lèvent de l'amas blanc et prennent forme, s'agitent un instant dans un mouvement quasi humain et disparaissent si vite qu'on doute de ce qu'on a vu. Avec la fatigue, avec la lumière cassée qui rase le sol, Nadia a l'impression de sentir le mal palpiter à Tordinona.
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Les nuages ont avalé les étoiles et il ne reste rien de l'univers.
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La gendarme n'a pas sommeil. Son ventre est traversé par un courant d'air. Son instinct de flic la garde en éveil, elle ne fait déjà que penser à ce crime, à cette gamine de dix-sept ans allongée à l'arrière de leur véhicule de service, une adolescente à qui quelqu'un avait volé le plus précieux des trésors. Cette jeune fille dont elle entend la voix portée par les bourrasques, une voix qui chevauche le tumulte par-delà les pics et les sommets, qui dévale les goulets d'étranglement, les ravins et les gorges. Une voix qui clame et qui réclame la justice, et dans cet écho qui tourne sans fin dans la montagne, résonne un autre écho qui murmure: « Regardez ce qu'on m'a fait. »
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Le marcheur progresse d'un pas égal, il est concentré sur son rythme et focalisé sur le croustillant que produisent ses semelles dans l'épais tapis blanc. Un bruit délicieux à ses oreilles rougies. Ce craquement merveilleux, à la fois dense et presque mécanique, est à mi-chemin entre la biscotte broyée par des mâchoires et le feulement du cuir d'un fauteuil qui accueille un corps. Ce gémissement est un ravissemnent qui enchante son ouïe, un son particulier, dépourvu d'écho, un des seuls à ne jamais courir I'espace, débordant à peine des chaussures, puis s'éteignant dans le néant.
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C'est un vent féroce. C'est un hurlement. C'est un lieu perdu. La bise violente une armée de flocons affolés. Elle passe en sifflant comme un serpent sur un corps à demi enseveli dans la neige. Sous son souffle, une mèche de cheveux se soulève et frémit. À côté de la tête dont les yeux éteints fixent le ciel, une larme rouge cinglante sur les cristaux blancs ; une unique goutte de sang figée par le froid.
Une silhouette se dessine à peine. Elle tangue au centre d'une petite route coupant en deux une forêt qui se répand de part et d'autre. Devant la forme humaine se dresse un immense rocher en forme d'aileron de requin, noir comme la suie, et sur ses flancs de squames empilées aux reflets de charbon, la neige peine à s'accrocher. A sa base, veille un tunnel d'où perce une lueur blême venant de l'autre côté. Derrière l'individu qui marche, un ancien pont en pierre du pays. Il est construit d'une seule arche qui enjambe la rivière, I'Osveta. Elle dévale une pente très raide où elle polit des rochers gris. La neige ne tombe pas, elle s'abat sur le pays, en énormes focons difformes qui s'imbriquent dans la masse blanche. Sous les coutures grises du ciel, des nuées folles s'amassent et virevoltent, tourbillonnent puis s'effondrent comme prises d'une incommensurable fatigue. Le cou de l'homme est recouvert d'une écharpe de cristaux blancs. Une colonne de vapeur se dilue dans l'air à la sortie de sa bouche encadrée par une barbe fournie et noire constellée de neige.
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Je pense qu’il n’y a rien de plus bête et dangereux qu’une foule en colère. Le nombre décime les conventions sociales, l’intelligence est divisée par le nombre d’individus.
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– Soupçonnés ? Juste soupçonnés ? – Ici, ce qui compte c’est pas vraiment les preuves, c’est l’intime conviction, rétorque Orazio.
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Il voit un homme tout blanc tenant un smartphone à l’œil coruscant.
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Tu as vu comme ils nous regardent passer quand on vient ? Les gens de ce bled m’ont toujours fait penser au roman Délivrance, tu as l’impression que ça peut dégénérer n’importe quand, pour n’importe quoi. Tu m’étonnes que les touristes traînent pas trop dans le coin.
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L’arrivant se penche et se rapproche pour lire une phrase inscrite à la peinture sous le nom du village : vous pouvez encore faire demi tour.
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La sidération recouvre la place. Il n’y a soudain plus un son, à l’exception du tracteur dont le moteur continue de tourner en tremblant de toute sa structure. Personne ne bouge, tout le monde espère que c’est un cauchemar et qu’il en verra bientôt le bout. Repliés dans le bar, derrière les bouleaux, retirés dans les venelles, les assaillants déchantent. Il ne s’agit plus de hurler avec la meute et de se défouler sur un individu seul et sans arme, il est question de se battre avec deux gendarmes bien armés et déterminés, qui rendent les coups. Nadia, collée au mur qui jouxte la fenêtre, observe l’extérieur tout en plaquant sur son gilet ses mains qui tremblent atrocement. Ce qu’elle vient de voir est de l’ordre de la guerre, la scène repasse en boucle dans sa tête. Elle sait, d’une manière immanente, qu’elle est déjà stockée dans un coffre de sa mémoire et qu’il sera impossible de l’en déloger, qu’elle viendra la hanter à n’importe quel moment de sa vie.
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Ma section était en patrouille depuis plusieurs jours. Notre radio était tombée en rade et nous faisions route vers le camp. Nous sommes tombés par hasard sur un groupe de soldats américains qui s’étaient fait piéger dans une embuscade. Ils étaient acculés contre la paroi et sans échappatoire. Les talibans tenaient des points hauts et les canardaient. Nous sommes arrivés dans leur dos et on les a mis en fuite, on en a dégommé quatre. L’état-major a fait tout un foin pour qu’on soit félicités. Comme je commandais la section j’ai reçu la Légion d’honneur. Je te passe les détails.
– Au son de ta voix tu n’as pas l’air enchanté.
– Pourquoi, je devrais ? Je me retrouve avec la même médaille que certains dictateurs, ou des patrons de multinationales qui fraudent, licencient des milliers de gens et saccagent la planète. Tu parles d’un joli club.
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Comme un fol hirsute marchant dans la rue avec une cloche et un écriteau pour annoncer la fin du monde, le blizzard lance des incantations sur la montagne. Il pèle les contreforts, cisaille des arbres et cloue les rêves au sol. Sa puissance tue dans l’œuf toute volonté d’opposition, il est vif et véloce, il peut déraciner un sapin comme on arrache un brin d’herbe. Il plane très haut sur les massifs, hors de la vue humaine
il râpe les sommets et décapite leur coiffe de neige glacée en hurlant dans les aigus. Tout ce qui vit au-dehors est soumis au joug du vent déchaîné, et chaque animal attend, en boule, dans le moindre abri, que la colère d’Éole faiblisse. Sa voix lugubre et omniprésente sape le moral des trois assiégés, parce que c’est ce qu’ils sont, des assiégés.
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Quand le propriétaire des terres et de la bergerie désaffectée est mort de vieillesse, un neveu a hérité de tout ; un neveu qui n’était probablement jamais venu à Tordinona et qui s’était pointé un jour avec sa copine et un autre couple, puis ils avaient lancé leur affaire de fromages. Un peu plus tard, deux femmes les avaient rejoints. Il ne les aime pas parce qu’ils sont trop différents d’eux, les villageois, les gens d’ici. Qu’est-ce que c’est que ces coiffures de délinquants, ces queues-de-rat dégueulasses, ces allures toujours négligées. Et puis on ne sait pas trop ce qu’ils fabriquent dans leur ferme. On n’y va pas. Si ça se trouve, ils trafiquent de la drogue, le fromage c’est juste une couverture. Un hippie ne peut pas être un vrai paysan. Un paysan ça bosse, ça n’a pas peur de faire des heures, alors qu’un branle-la-nouille
de fumeur de chichon, ça n’en fout pas une rame. Ils sont fatigués d’être fatigués
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À Tordinona, on vit entre soi depuis toujours, Internet et la modernité n’ont rien changé à ça.
Les mêmes familles depuis le milieu du dix-neuvième siècle, les mêmes lignées ayant engendré les mêmes faces bourrues, les mêmes yeux suspicieux et fureteurs, les mêmes barbes fournies sous des fronts larges et épais, boucliers pour des caboches plus dures que le roc. Ça c’est pour les hommes. À leurs côtés, on a des épouses et des mères dévouées. Pour les femmes libérées, il faudra attendre encore un peu. Ici, on n’aime pas le changement, donc on n’aime pas les étrangers, même les touristes, qu’ils aillent se faire escroquer ailleurs. Ici, on vivote entre têtes connues, on se parle avec des mots familiers, et les allures et les profils, les traits de caractère, sont plus fiables que les cartes de visite et les réputations. Le village se meurt, mais au moins les Tordinonais meurent entre eux.
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