Serge Almajeanu

Quelques mots sur ce recueil de poésies délicates, rimées, bien façonnées, aux accents souvent élégiaques. Une grande pudeur cependant chez ce poète d'une grande sensibilité artistique. Prenons, par exemple, le mot amour (iubire). On dénombre seulement 11 occurrences dans l'ensemble du volume, alors que d'amour il est question en permanence : amour de la vie (telle qu'elle est), de la nature, du soleil et du ciel, de l'enfance perdue, de l'être cher, mais surtout amour de la poésie et foi en la parole :

Lueurs de l’âme sont les paroles ;

Elles détruisent ou bâtissent des sentiments,

Disent ce que la vie veut, donne ou prend,

Disent ce que nous voulons, donnons ou recevons. (cf. p. 19)

Découverte récente, ce volume II des poésies de Serge Almăjeanu est un véritable enchantement. 35 poèmes gracieux et graves écrits à partir de 1953 (cf. le dernier) dans une belle langue roumaine maternelle jamais perdue, si bien pendue. Poèmes d'exil, parfois à connotation politique (le mal du pays qui s'exprime avec nostalgie), mais aussi personnels. D'ailleurs le recueil est « dédié à Michaela et Alexandre [enfants du poète] dont l’amour et le soutien moral [lui] ont donné la force d’affronter des années de dures épreuves ».

Des rimes habiles (souvent difficiles à traduire) et des thèmes universels finalement au service de cette belle épigraphe : « C’est par la parole que la poésie naît, mais aussi grâce à une réserve envers la parole. » (Lucian Blaga, 1895-1961, philosophe et poète roumain)