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Citation de Ziliz


Ziliz
07 septembre 2016
Pour Mathilde il n'avait rien pu faire, le plus révoltant dans la maladie c'est son obstination, son entêtement, cette impuissance totale à laquelle elle renvoie. Aujourd'hui encore, ça ne passait toujours pas, il n'arrivait toujours pas à accepter que Mathilde ait perdu la bataille et qu'il n'ait rien pu faire. La seule chose qu'il pouvait pour elle, c'était aller la voir tous les soirs à Toulouse, faire plus de cent kilomètres après le boulot pour lui apporter chaque soir un bol de soupe différent. Ils s'étaient mis à croire en la soupe, à la fin il n'y a plus que ça qu'elle mangeait, elle n'avalait plus rien en dehors de ces potages faits avec les légumes de chez eux, de la vallée du Célé, et rien que l'odeur quand elle ouvrait le bocal, une odeur vivante de nourriture vraie, voilà qui la transportait hors de cet hôpital, ça la faisait voyager. Ludovic l'aidait à manger, et à chaque cuillérée il pensait qu'elle se régénérerait, qu'elle revivrait à force de laper la sève de ces légumes nés de la terre où eux-mêmes étaient nés, et comme les médecins ne voyaient plus comment la sortir de son cancer, ils étaient prêts à croire à la soupe, qu'il lui en apporte tous les soirs de sa soupe, pourvu qu'elle mange, pourvu qu'elle récupère un peu de ce corps qui la quittait. Pendant trois mois, tous les soirs Ludovic avait fait l'aller-retour entre la ferme et Toulouse, et tous les soirs vers vingt-deux heures, il rentrait dans la désillusion du vaincu, à ce même volant il roulait dans le ciel couchant, avec l'image de Mathilde couchée dans son lit. Ce n'était pas humain de vivre ça, il fallait le vivre pourtant, pendant plus d'une heure il roulait avec le bocal vide posé sur le siège passager, cette soupe qu'elle ne réussissait jamais à terminer, et que chaque soir il finissait d'un trait, sachant d'avance que le lendemain il roulerait de nouveau dans l'autre sens, le bocal de nouveau rempli, avec l'espoir que ces voyages durent le plus longtemps possible, ou qu'ils s'arrêtent, il ne savait plus.
(p. 312-313)
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