Chaque samedi, une grande quantité de glace est fondue dans la lessiveuse au moyen de graisse de phoque. Cette journée est consacrée à la lessive et les matelots lavent, frappent, savonnent, frottent et tordent tout en plaisantant. Peu après, l'île s'égaie par l'apparition étrange de chemises, de caleçons de flanelle, de pantalons, de mouchoirs et de draps multicolores flottant sur des lignes tendues entre les avirons plantés dans la neige. Mais le linge mis à sécher en dernier n'a pas le temps de bénéficier des faibles rayons de soleil et les hommes doivent le rapporter à bord dur comme pierre. Ces vêtements doivent être dégelés et sèchent autour du poêle, non sans dégager beaucoup d'humidité.
Au sud de l'île Adélaïde, le Pourquoi-pas ? navigue dans des eaux que nulle proue n'avait jamais sillonnées. Sur des milles et des milles, Charcot étudie cette suite de côtes inconnues, procédant à des sondages et effectuant des relevés topographiques. Installé dans le nid de corbeau, avec ses jumelles, il va de découverte en découverte : "Il n'y a plus de doute ; ce ne sont pas des icebergs qui dressent là-bas leurs sommets pointus vers le ciel, mais une terre ! Une terre nouvelle, une terre que l'on voit entièrement à l'œil nu, une terre bien à nous ! Il faut avoir vécu ces mois d'attente et d'inquiétude, de crainte de l'insuccès, de désir de bien faire, de volonté de rapporter à son pays quelque chose d'important, pour comprendre tout ce que contiennent ces deux mots, que je me répète à voix basse : une terre nouvelle !"
Cette terre sera appelée Charcot en l'honneur de son père, le professeur Charcot. L'explorateur insiste en précisant : "C'est le nom de mon père, qui a tant fait pour la science française, qui est ainsi mis en avant, et nullement le mien." Pour que le triomphe soit complet, Charcot songe à y débarquer mais les glaces l'empêchent d'approcher.
Après le dîner, la veillée s'organise au carré et , tandis que les uns entament une partie d'échecs ou de jaquet, d'autres s'appliquent à décorer leurs skis de dessins pyrogravés ou mettent à jour leur journal personnel. Mais Charcot, toujours préoccupé par le moral de son équipage, organise régulièrement dans le poste d'équipage une sorte d'école du soir ; des leçons bien élémentaires qui tournent volontiers à la causerie. Quelquefois également, des séances de gramophone terminent la journée. La nuit, toutes les deux heures, l'homme de quart vient réveiller l'un des scientifiques pour continuer les observations sur un cycle de vingt-quatre heures.