La drague sur Internet a ce goût gris et pâteux du papier mâché : son jus a la saveur de l’encre prometteuse dont il ne subsiste que l’âcre solvant. On s’y comporte comme si le Graal était acquis, comme si la plus grande part du chemin de conquête semblait déjà bravée. Comme si la proie s’offrait d’elle-même. Comme si la phase certainement bien utile du baratin séducteur s’oubliait. Exit les danses du verbe et des regards chercheurs. Le vocabulaire des tchats est raccourci, souvent anglicisé, les émoticônes évincent les poésies. Les questions sont directes, un peu toujours les mêmes, laissant peu de place au mystère. Où habites-tu ? Que cherches-tu ici ? Quel est ton métier ? Quels sont tes loisirs ? Les hommes les plus téméraires ou les plus débauchés risquent rapidement des questions grivoises : quelle est ta position préférée ?
La société tient pour acquis les souffrances mensuelles de la femme, celles qui s’en plaignent sont bâillonnées à grands coups de Spasfon ou de Doliprane.
Si les hommes saignaient de l’anus chaque mois avec douleur, il y a bien longtemps que les savants chercheurs auraient inventé des remèdes.