2. « Le jardinier s'est éloigné et l'arbre s'est mis à chanter. Tous les hôtes se sont tus et chacun s'est installé calmement dans un coin. On aurait dit qu'une goutte d'eau avait très lentement pénétré la terre, comme si toute la compagnie avait pris place dans cette goutte semblable à un océan : goutte-océan qui s'enfonçait profondément dans le sol pour se charger des ardeurs de la terre. Dans cette interpénétration, des millions d'éléments se joignaient à l'eau et à la terre dans un ballet sans fin, danse lente et si rapide à la fois qu'elle emmêlait les bras et les jambes – les sucs volatils étaient absorbés par les racines et se mettaient à voyager lentement au rythme des fibres du bois. Les petits vaisseaux, semblables à des pelotes de fil, pendaient au plafond du ciel. » (pp. 185-186)
1. « L'homme est lui aussi allongé la tête tournée vers le ciel, les yeux grand ouverts.
- Ça va ? demanda Mounés.
- Je suis mort, répondit l'homme.
- Puis-je faire quelque chose pour vous ?
- Le mieux, c'est de vous en aller d'ici. Vous pourriez avoir des ennuis.
- Pourquoi ?
- Vous n'entendes donc pas ce vacarme ? C'est l'heure des règlements de compte.
- Et vous-même, que faites-vous ici ?
- Chère Madame, je vous l'ai dit : je suis mort.
- Bon ! Mais si je vous soigne, et que je m'occupe de vous, peut-être allez-vous guérir.
- Non ! Je ne pense pas ! C'est sans espoir. Un Français a fait un film avec ce titre : Les dés sont jetés ! (Les carottes sont cuites). J'en suis exactement au même point. Pour moi, les dés sont jetés !Mounés était extrêmement impressionnée.
- En tout cas, peut-être...
L'homme s'est carrément fâché :
- Va-t-en, je te dis ! Ce n'est vraiment pas possible !
Alors Mounés s'en est allée et, pendant un mois, elle a erré dans les rues. » (pp. 68-69)