Au loin disparu
Le cygne déploie ses ailes agiles et laisse le vent le porter
au loin.
Un air vif le rappelle au souci et il tourne la tête, incertain.
Un cheval livre ses pas lourds à la steppe désertée — les
siens sont partis.
Son cœur s’enlise dans des pensées interdites comme ses
sabots dans la glaise meuble.
Le destin s’abat sans pitié sur deux dragons que leurs ailes
opposent.
Il reste pourtant les chants qui savent révéler les amours
secrets.
À l’ami qui s’en va, je joins les mots du ruisseau où coulent
mes larmes.
L’écho des tambours exalte les vertus mâles et déchire les
cœurs des compagnons vaincus.
La solitude des vers alimente le brasier du souvenir
Et plombe mon âme mon âme brisée dans l’horizon des
peines.
J’aimerais pouvoir entonner encore les airs de l’enfance,
Ton pays est loin désormais — il t’ignore jusqu’au trépas.
Le mal me dévisage et il pleut sur les joues des filets
d’amertume.
Les cygnes volent leur vie entière deux à deux
Mais pour nous, hommes, qui ne pouvons nous envoler
ensemble
Il n’y a que routes mornes aux destins séparés.
// Su Wu (140-60)
/ Traduction Alexis Lavis