Mon cœur saignant
Envie le sot
Qui a coutume d’engraisser
L’homme conscient est dans les affres
Comme qui a chu dans le puits
Ou qui boit goudron et résine de férule
Ce monde dégénère
Où prospèrent les ladres
Et où les preux sont gavés de déboires.
Ton secret garde-toi de le divulguer
On te flouerait
En ce siècle tous les hommes sont faux.
Ah avoir œil de fer
Inaccessible à la fatigue
Et à longueur de journée pleurer.
Mais ce pays a changé
Il est devenu la proie des gredins
De ceux que jadis j'abhorrais
Et au preux l'existence est ardue
Et âpre comme le piment
Il se gave de colère et de désespoir.
Seul celui qui voit les choses cachées
Lit dans les cœurs
J’étais brûlé de flamme et de feu.
Ne te fie pas au monde il ne dure pas
Il peut démentir ton étoile
J’ai vu la chèvre insulter le bélier
Le faucon qui allait en tête des foules
Aujourd’hui pauvre hère
Est devenu la proie des battues
Les bouchers qui lavaient la viande
De sa bouse sauf votre respect
Sortent maintenant vêtus richement.
Tous vont chez Ramasco
Plonger dans le Pernod
Ces hommes insipides.
Pour lui, la poésie n’était ni un métier, ni un accident, c’était un destin : il ne l’avait ni cherchée ni choisie, elle s’est imposée à lui comme un fatum. […]
Mohand s’est mis à remodeler sa vie de tous les jours pour la mettre en accord avec sa vocation. Il s’est mis à boire, fumer, aimer, tenter beaucoup d’expériences insolites que les convenions, les nécessités de la subsistance et d’expresses lois religieuses interdisaient aux autres.
-Introduction de Mouloud Mammeri-
Mieux vaut la mort que la vie que nous vivons.
L’ancienne société kabyle était démocratique jusqu’à l’outrance. La tentation permanente (et souvent la réalité) de l’anarchie était tempérée par l’observance stricte des règles d’une tradition d’autant plus tyrannique qu’elle n’était ni écrite ni concrétisée dans un corps. Cet ordre apparemment subsiste. Il y a toujours des amins, des tamens, des marabouts, des assemblées de villages […] mais tout cela a été vidé de son âme […]. Désormais, l’initiative et la réalité du pouvoir échappent aux anciennes institutions de la république kabyle, devenues cadre vide.
-Introduction de Mouloud Mammeri-