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Citation de raton-liseur


Elle avait accepté comme sa destinée – destinée qu’elle devait supporter patiemment et sans fléchir – que cela reposât sur elle. De même, elle s’était efforcée d’être patiente et d’accepter sans faiblir les conditions de sa vie chaque fois qu’elle avait senti qu’elle portait un nouvel enfant dans ses entrailles – toujours et toujours. À chaque fils qui augmentait la petite bande, elle avait senti qu’elle était de plus en plus responsable de l’aisance et de la sécurité de la famille. Elle se rendit compte ce soir que sa faculté de tout surveiller, sa vigilance avaient aussi augmenté à chaque nouvel enfant qu’elle avait à élever. Jamais elle n’avait vu aussi clairement que ce soir ce que le destin avait exigé d’elle et ce qu’il lui avait offert avec ses sept fils. Sans cesse la joie qu’ils lui donnaient avait revivifié les pulsations de son cœur, comme les angoisses à leur sujet l’avaient déchirée. Ils étaient ses enfants, ces grands garçons aux corps maigres et anguleux, comme ils l’avaient été lorsqu’ils étaient si petits et potelés qu’ils pouvaient difficilement se faire mal en culbutant dans leurs voyages entre le banc et ses genoux. Ils étaient à elle comme à l’époque où elle les prenait dans leur berceau pour leur donner le sein et où elle devait soutenir leur tête qui pendant à leur cou frêle comme une campanule bleue pend à sa tige. Que deviendraient-ils en ce monde, où s’en iraient-ils, oublieux de leur mère ? Il lui semblait que leur vie serait pour elle un mouvement de sa propre vie ; ils ne feraient qu’un avec elle comme cela avait été lorsque, seule sur terre, elle avait conscience de la vie nouvelle dissimulée en elle, qui buvait son sang et à qui elle devait la pâleur de ses joues. Toujours elle avait éprouvé l’angoisse qui consume et qui baigne de sueur, lorsqu’elle avait senti que de nouveau l’heure était proche où elle allait être engloutie par la lame de fond de l’enfantement… jusqu’au moment où elle remonterait à la surface avec un nouvel enfant dans les bras, combien plus riche, plus forte et plus courageuse après chaque naissance, cela, elle le comprenait ce soir pour la première fois.
(p. 655-656, Chapitre 4, Partie 3, “Erlend Nikulaussoen” Tome 2, “La maîtresse de Husaby”).
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