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Citation de GerydePierpont


La Grimeuse porte à ces occasions un costume sobre. Un loup cache la partie supérieure de son visage. Sa bouche est peinte, comme ses mains. Son corps se meut rarement, mais toujours avec une extrême délicatesse. La gestuelle est ajourée et le verbe nocturne. Elle est frêle et vigoureuse, douce, lente et très vive à la fois, terrestre, pesante et en même temps très agile. Indéfinissable. Pendant que son visiteur se raconte, il arrive qu'elle se lève et, avec des gestes précis, verse encore du breuvage épicé dans la coupe. Elle l'approche ensuite des lèvres de son hôte. Ses caresses ne se répètent jamais, et pourtant, avec chacun elle use de légèreté et de rudesse, cela je puis l'affirmer. Ses mains, en chemin, tout à la fois frôlent, palpent, se glissent sous les vêtements, rien ne semble leur offrir de résistance. Elle a cette faculté inégalée pour trouver le point sensible, la zone franche, le moment juste. Elle amène peu à peu le visiteur à se perdre ; elle l'arrache et le rend à lui-même tout à la fois. Dans l'histoire qu'elle se met tour à tour à raconter, en réponse à celle qu'elle a entendue, son hôte est convoqué, elle en fait une figure principale, mais sous une autre forme que la sienne. Il n'est pas celui qu'il croit être, il est quelqu'un d'autre, ailleurs, et il n'y a plus de partition, juste quelques notes de départ sur lesquelles il peut improviser. Les mains de la Grimeuse ne cessent de se mouvoir sur son corps, pendant qu'elle lui cantonne : il était une fois, tu étais ci et ça ; il sera des fois, tu seras un autre, toi et toi et toi et d'autres encore ; simplement être, légèrement, infiniment être, débarrassé de toi, débarrassé de ça ; un vol d'étourneau, une danse, la brise, lalala. Ses mots se mêlent à ses baisers, elle les dépose où on ne les attend pas, elle ouvre du bout de la langue des chemins insoupçonnés, opère savamment la métamorphose. Son visiteur s'abandonne à sa science, bas les masques, la peau, la coiffure, les orifices, tout y passe. Le travail se poursuit longtemps, jusqu'à ce que, dans un dernier soupir, elle lui souffle un nouveau nom, celui qu'il portera ailleurs. Alors le visiteur est prêt. Il a reçu la clé. Il peut quitter Ciutabel. Il sort de scène. On ne le reverra plus.
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