Ils avaient mis quarante-cinq jours, mais ils l’avaient fait, et étaient arrivés au pôle géographique le 3 avril 2000, sortant des ténèbres de l’enfer blanc où chaque pas était une victoire contre la mort.
Où marcher revenait parfois à ramper, où la glace s’ouvrait devant eux sur le gouffre mouvant de l’océan Arctique, où sous leurs pieds le sol menaçait à chaque instant de se dérober, où, suivis par l’ombre d’un ours, ils croyaient progresser sur une banquise que les courants repoussaient, tirant leur chargement sur ce qui ressemblait à du verre pilé, courbés dans le vent, tels deux vieillards desséchés, en proie aux gelures qui rongent la chair jusqu’à l’os.
Tout ça dans une nuit épaisse qui leur semblait éternelle. Immuable.