Sophie Capitelle

Ses sentiments prenaient le pas sur sa raison et elle sentit monter une vague de désir inconnu à ce jour. Elle se laissa ôter ses vêtements, un à un, d’abord la robe, puis les bas, la chemise… enfin tout ! Très vite, les limites furent franchies. Alice se retrouva nue, dans le lit du jeune homme. Elle se mordit la lèvre pour ne pas crier son nom tandis qu’il prenait possession de son corps avec une habileté et une douceur sans pareilles. L’expérience fut surprenante, délicieuse, scandaleuse ; la jeune fille s’entendit soupirer d’aise et délirer sous les caresses de celui qu’elle aimait de toute son âme.

Un jeune homme blond avait surgi dans son champ de vision, grand, sportif, beau comme un péché mortel mais doté d’un visage angélique éclairé par un regard gris bleu. Il avait levé ce regard vers la fille en chemise de nuit assise dans l’escalier, avant de lui adresser un clin d’œil complice auquel elle répondit en piquant un fard. À ce moment précis, ce vertige qu’on appelle l’amour s’empara d’elle, la laissant hagarde, stupide et pétrifiée sur place. Elle n’en prit pas conscience aussi vite ; il lui fallut un certain temps et d’autres rencontres pour diagnostiquer sa maladie avec certitude.

Le champagne la lui avait déjà fait tourner depuis belle lurette et ses vapeurs n’étaient pas encore dissipées. Elle flottait, comme emprisonnée dans une bulle et décida que rien de ce qui lui arrivait n’était réel. Elle rêvait que Maxime lui faisait l’amour, qu’il plongeait en elle et brisait ses dernières barrières. La partie la plus intime de son être se contractait autour de cette partie de lui qu’il avait introduite en elle et qui, après l’avoir meurtrie, lui procura des sensations inédites et incroyables.

Elle avait déjà reçu des compliments masculins émanant d’amis de son père ou de camarades de Gontran, mais elle n’y avait pas attaché d’importance. À dix-neuf ans, elle avait déjà la réputation d’être hautaine, sans doute à cause de sa timidité qui l’empêchait d’aller vers les autres. Elle était toujours étonnée, voire gênée d’être remarquée pour sa beauté. Sauf quand il s’agissait de Maxime. Le temps de rougir et de baisser les yeux, il avait filé en direction du serveur le plus proche et lui avait ramené une coupe. Dans le breuvage pétillant, Alice puisa le courage de s’adresser au jeune homme avec aisance. Sa réserve l’abandonnait au fur et à mesure que son verre se vidait.

Alice aurait vendu son âme au diable pour pouvoir conquérir le cœur de ce garçon. Comme toutes les filles romantiques, elle chérissait une image de l’amour un peu idéale, qu’aucun homme jusqu’ici n’avait su incarner. Elle n’était pas naïve au point d’ignorer les frasques de celui qui la tenait à sa merci. On lui prêtait de nombreuses liaisons. Selon Gontran, aucune femme ne lui résistait bien longtemps. Malgré cela, Alice était persuadée que Maxime, une fois touché par la flèche de Cupidon, changerait d’attitude pour devenir le plus fidèle et le plus respectueux des amoureux.

En réalité, elle se demandait comment elle allait supporter de travailler pour un homme à qui elle avait voué une haine implacable et souhaité le pire.
Une foule de souvenirs enfouis remontèrent à la surface. Des souvenirs troublants qui la firent rougir ; puis d’autres, bien plus pénibles, qui lui donnèrent à nouveau des envies de meurtre ! Tous ses efforts pour l’oublier allaient-ils être réduits à néant ?