Sophie Delenclos

- Oh, mais je vais le lire avec plaisir, crois-moi ! Il ne faut pas confondre vieillesse et couvent, hein ! Je ne suis pas une nonne. Même si, à mon âge, bien sûr, on a moins d'occasions.
Elle soupira.
- J'ai lu Cinquante nuances de Grey, tu sais, on ne parlait que de ça au club de bridge. Bon, ce n'était pas terrible, je n'ai pas compris pourquoi on en faisait tout un foin, mais il y avait tout de même des scènes intéressantes. Et ce Christian est, si tu veux mon avis, tout à fait charmant ! Alors que la petite Anastasia, franchement...

Non, non, je préfère nettement travailler avec vous
à l'horizontale !
Les mots étaient à peine sortis de sa bouche qu' Elizabeth se figea. Elle ne venait pas de dire ça, tout de même ? Une lueur d'amusement, ou d'intérêt peut-être, passa dans les yeux de son interlocuteur. Si, elle l'avait bien dit. En entretien de recrutement ! En son for intérieur, l'horreur le disputa au fou rire, mais elle ne pouvait pas se permettre de se déconcentrer, aussi, se mordant la lèvre, elle enchaîna bravement pour clarifier sa pensée et tenter de gommer l'effet de sa formulation malencontreuse. Elle préférait travailler avec lui, le DRH groupe, en transversal sur tous les pays - transversal, voilà qui était mieux ! - plutôt que dans l'une des filières métiers, verticales. Voilà, elle l'avait dit. Les coins de sa bouche frémissaient encore, mais elle avait réussi à garder son sérieux.

Elle s’intéressait aux gens, essayant de les comprendre sans juger – que ce soit la punkette de quatorze ans qui avait été exclue du collège, ou le geek premier de la classe qui lui vouait une adoration absolue. Elle avait toujours une cour impressionnante, y compris d’ennemis jurés qui mettaient de côté leurs rancœurs lorsqu’ils étaient avec elle. À chaque Sainte-Catherine, elle avait reçu, depuis ses neuf ans, plus de cartes que toutes les filles de sa classe réunies, et ces dernières ne lui en voulaient même pas. La médecine lui irait bien – au moins, elle aurait une raison d’interroger les gens !

Privée de sa liberté de mouvement, soumise à ces va-et-vient brutaux, elle sentit monter en elle un plaisir d’autant plus violent qu’elle ne contrôlait plus rien. Elle ne pouvait plus que se laisser faire et envahir par la jouissance qu’il lui imposait, qui arrivait, elle le sentait. La tête renversée, les seins secoués par les assauts frénétiques du jeune homme, elle jouit de nouveau en criant, tremblante et agitée de spasmes désordonnés, tandis qu’il la rejoignait, les doigts crochés dans sa chair, la soulevant une dernière fois pour s’enfoncer en elle au plus profond.

Adolescente, elle avait cherché à ressembler aux filles longilignes qui peuplaient les magazines, avant de se rendre à l’évidence : sa silhouette, c’était le sablier qu’on dessinait avec les mains pour représenter des courbes féminines. Constatant que son corps suscitait un enthousiasme réel auprès de ses amoureux, elle avait fini par se résigner, même si elle avait du mal à s’habiller, mis à part pour les dessous. Elle était faite pour porter de la lingerie, mais rien d’autre, plaisantait-elle avec ses copines, lorsqu’elle peinait à trouver un pantalon ou une veste.

Bon, pour être honnête, elle serait ravie de mettre quelqu’un dans son lit, même si elle n’était pas vraiment sûre d’en être capable. Elle n’avait jamais eu ce genre d’histoires, ne couchant qu’avec les garçons ou les hommes dont elle était amoureuse. En tout cas, elle ne voulait rien de plus qu’une liaison éventuelle, mais Sandra avait dû lui dénicher la perle rare, un médecin ou un prof de fac bien sous tous rapports, pas le genre de types avec qui se lancer dans une simple histoire de cul, a priori.

Ses mains remontèrent sur la poitrine d’Elizabeth, passèrent dans son dos pour dégrafer le soutien-gorge, puis dégagèrent les seins de leur coque. Tandis qu’il les caressait, sa bouche vint en lécher les pointes dressées, envoyant de petits éclairs de chaleur dans le ventre de Liz.
Tout son corps brûlait maintenant d’un désir incendiaire et elle recula jusqu’au lit, faisant taire la petite voix dans son cerveau qui lui demandait ce qu’elle faisait.

[…] le regard de Sébastien tomba sur le magazine – et la photo de couverture de La Belle et la Bête XXL[...]
- Mmm ! Tu prépares tes lectures de l'été ? Ça m'a l'air intéressant, dis donc !
Juliette le lui repris en rougissant.
- Ceci étant, si tu l'achètes, évites de le laisser traîner sur ton bureau. Ce n'est pas le genre de bouquin que John s'attend à voir dans les locaux ! Surtout chez une DRH aussi convenable que toi !
[Sébastien]

On se calme, là ! Un type plus âgé aurait peut-être été en train de la draguer, mais Paul avait vingt-trois ans et était beau comme un dieu : il ne fallait pas prendre ses rêves pour la réalité ! Il devait avoir des tas de petites amies de vingt ans, des filles aux jambes longues, aux cheveux soyeux et à la peau fraîche.

L'énormité de la mascarade dans laquelle elle s'était engagée frappa Juliette de plein fouet le lundi matin, lorsque Sébastien passa lui dire bonjour sans son bureau.
- J'ai dîné avec ta sœur, samedi, annonça-t-il en lui tendant un café, mais tu es sans doute déjà au courant.