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Citation de lanard


"La copule - vieille actrice toujours un peu susceptible - demande (aux logiciens) : 'Est-ce moi qui prendrai le "ne pas", ou dois-je le laisser au prédicat?" C'est bien la question en effet dont on reconnaît sans peine qu'elle est ici posée par Lewis Carroll (in La logique sans peine, p. 202, trad. et présentation de Jean Gattegno et Ernest Coumet, Hermann, 1966).
Au grand dépit de la copule, Auguste de Morgan avait déjà répondu que le prédicat prendrait la négation. Ainsi, donc, au lieu de dire négativement que "Nul n'est X", l'on dirait, sous une forme affirmative, que "Tout X est non-Y" et de cette manière la logique n'aurait plus affaire qu'à des propositions affirmatives.
Mais que signifie "non-Y"? En d'autres termes, en une écriture non littérale, qu'est-ce qu'un "non-homme", expression qui apparaît comme totalement étrangère aux formes actuelles du langage ordinaire, qu'elle sache aller au-delà des limites de l'expression langagière courant pour exprimer en sa totalité le contenu même de la pensée.
Elle découvre ainsi que tout terme a toujours, dans la pensée, un négatif, même s'il n'existe pas de nom qui lui corresponde dans le langage ordinaire et qu'un nom en général, quel qu'il soit, divise les êtres en ceux qui ont les qualités qu'il dénote et ceux qui en sont dépourvus. Par conséquent, "positif" et "négatif" deviennent totalement relatifs, un terme quelconque étant toujours négatif relativement à son contraire.
Et de Morgan d'illustrer ce point, non sans humour, par une image géographique : si l'hémisphère Nord était dans sa totalité continent et l'hémisphère Sud dans sa totalité océan, dirait-on plutôt que le Nord est une île ou que le Sud est un lac? Une telle question, ajoute-t-il, provoque autant de perplexité qu'en connut l'âne de Buridan. (A. de Morgan, "On the Syllogism I", in Transactions of the Cambridge Philosophical Society, VIII, 1846)
Il manque cependant, à ce point-ci de la réflexion sur les termes négatifs, de lever l'indétermination que dénote un nom négatif comme non-homme. En effet, Aristote déjà avait envisagé cette question de la qualification négatie des concepts, mais l'avait aussitôt écartée en raison précisément de l'indétermination qu'elle introduit : "non-homme" est n'importe qui et désigne aussi bien des êtres non humains quelconques que des non-êtres ; c'est un nom totalement indéfini et, au bout du compte, la pensée d'une telle indéfinité n'est qu'un néant de pensée.
Mais l'on pourra répondre à cela qu'il en et de ces termes privatifs comme de concepts d' "invertébrés" ou de "non-blanc". Qui ne pense en effet que loin d'être le nom de n'importe quoi, "in-vertébrés" est aussi précis que "vertébrés" et dénote, dans la partition des animaux en deux classes désignées par ces termes, l'une de ces classes? Quant à "non-blanc", et pour prendre un exemple actuel, s'il est vrai qu'il qu'il peut s'appliquer à n'importe quelle chose réelle ou irréelle qui n'ait pas la couleur blanche, il devient d'une précision terrifiante lorsqu'on se place dans l'univers particulier de l'apartheid et de la ségrégation raciale [SB Diagne écrit à la fin des années 1980].
Tout est donc fonction de l' "univers" dans lequel on se situe, c'est-à-dire de ce que dont on parle.
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