Et Reine n'aspirait plus qu'à dissiper dans le sommeil le souvenir déja cuisant de ses avanies. De l'autre côté de la nuit l'attendait sa vraie vie, cette vie qu'elle avait voulu brader dans un moment de raptus, cette vie qu'elle avait cru bon d'hypothéquer sur la foi d'un seul roman, cette vie rongée de solitude qui lui semblait toujours aussi détestable, certes, mais ô combien plus luxueuse que les réalités dont elle avait fait preuve tout au long de cette soirée!
Pouvait-on changer de vie à 46 ans?
Déambuler ... arpenter les trottoirs pour se calmer les nerfs... Se rincer l'esprit à l'air vicié des heures de pointe... Aller, venir, regarder les vitrines, les images, les vêtements ajustés sur des mannequins inertes...
Reine ne se possédait plus. Il lui fallut marcher un long moment, marcher, marcher et marcher encore, pour mieux fouler aux pieds les pulsions homicides qui se levaient en elle comme autant de fantômes.