Stéphane Soutoul

Comment mes parents auraient-ils réagi si je leur avais expliqué d’un air grave que mon prof de lettres était un vampire ? En
toute franchise, j’éprouvais moi-même la plus grande difficulté à réaliser l’extravagance de ma situation.
Inévitablement, l’inquiétude et la culpabilité qui me taraudaient sans répit finirent par se répercuter sur ma santé précaire. Je perdis près de cinq kilos en l’espace de quelques jours. Le goût de me nourrir, de me divertir, de m’occuper de moi me faisait défaut. La présence de Victor, que je voyais quotidiennement en classe et en dehors, me détruisait à petit feu. Chaque matin, je me levais avec la hantise de découvrir combien de nouvel es victimes
le vampire blond avait laissées derrière lui durant la nuit. J’appréhendais aussi qu’il me pose inlassablement la même question, encore et encore lors de nos entrevues secrètes : quand me déciderai-je à le rejoindre dans les ténèbres ?

Fatalement dans des conditions aussi exténuantes, arriva le
jour où mon seuil de tolérance fut franchi. Il finit par me devenir impossible de garder toute cette souffrance et cette inquiétude pour moi toute seule.

C’est en la gentillesse de Solstice que je trouvai alors le réceptacle de ma peine.