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Citation de michelekastner


Quand les déportés et les morts sont plus nombreux que les vivants, ils se mettent à parler à leur place. Les vivants ne sont plus en nombre suffisant pour avoir la force de porter la réalité ; c'est aussi simple que cela.
A présent, Adam comprend : c'est de là que viennent les voix.
Quand il fait froid et sombre et que l'humidité brouille toutes frontières, la balance penche de l'autre côté ; alors que le ciel là-haut n'est plus à lui, mais à eux. Ce sont eux qui marchent sous la voûte : en route pour Marysin depuis la prison de la rue Czarnieckiego, par rangs de trois ou cinq, escortés par les gardes ; ou bien debout derrière la clôture de la Maison verte, leurs petites mains oubliées pendues au grillage.
En d'autres temps, un silence absolu régnait dans les colonnes de marche. A présent, il entend les hommes chanter. Tous les dos chantent. C'est un chant sorti de la terre, sourd et puissant comme un grondement qui croît et grossit à l'intérieur de son corps. Car ce chant résonne aussi en lui. Le monde entier tremble et retentit de cette complainte. Il se bouche les oreilles de toutes ses forces pour la repousser ; en vain. Car quand les morts chantent, rien ni personne ne peut empêcher leurs voix de s'élever ; rien ni personne ne peut les faire taire.
Lorsqu'il se réveille enfin, il ne reste que l'écho de son propre cri. Mais cet écho se répercute au loin, bien au-delà de lui-même, comme s'il avait malgré lui dessiné les contours de tous ces morts et absents, dans un rayon de plusieurs milliers de kilomètres.
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