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Critiques de Syaman Rapongan (5)
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Les yeux de l'océan : Mata nu Wawa

C'est sur l'île de Lanyu, que son peuple nomme Ponso no Tao, que nait Cigewat en 1957. Comme tous ceux de l'ethnie Tao, sa famille vit de la culture des patates douces, du taro et de la pêche. Le garçon grandit heureux et libre, imprégné de la culture et des traditions de ses ancêtres. Bien sûr, l'île a été colonisée par les Japonais et est désormais aux mains des Chinois Han et des prêtres occidentaux, mais Cigewat est un enfant insouciant qui aime autant pêcher avec son père que jouer avec ses amis ou écouter les contes traditionnels de son peuple. A l'école, il se débrouille, malgré le dur apprentissage du mandarin et le mépris des Han qui considèrent les Tao comme des sauvages ignares. Comme de nombreux jeunes, il rêve d'un ailleurs plus vaste que sa petite île et c'est par l'école qu'il sait pouvoir un jour rejoindre, Taïwan et se faire une place sur le continent.

Quand, à seize ans, il part enfin vers le grand inconnu, ses parents craignent le pire. Leur garçon va-t-il perdre son âme tao et devenir un Han ? Se souviendra-t-il encore de ses ancêtres et de ses dieux ?

L'adaptation n'est pas facile. Cigewat devient Shih Nu-lai, un nom chinois pour un adolescent qui ne sera jamais chinois. Son teint foncé, son mauvais mandarin le stigmatisent et font de lui un sauvage que l'on moque ou que l'on exploite. Mais Cigewat n'est pas un mouton à qui l'on dicte sa conduite. Il refuse de bénéficier de la discrimination positive et voudra à tout prix intégrer l'université par son seul mérite. Un long chemin de croix pour le jeune homme volontaire et travailleur qui vivra chichement et vendra sa force de travail à bas prix jusqu'à réussir l'examen d'entrée et faire de lui le premier autochtone à entrer à l'université par ses propres moyens.

Son parcours, impitoyable mais formateur, va le mener à un questionnement existentiel : subir l'emprise des Han ou retourner à sa culture Tao ?

Il choisira le compromis. Fort de son parcours universitaire mais aussi conscient de la valeur des traditions aborigènes, Cigewat, devenu Syaman à la naissance de son premier enfant, reviendra sur son île, après des années d'errance, pour la défendre et préserver la culture de ses ancêtres.



Navigateur, anthropologue, traducteur, Syaman Rapongan, qui se définit comme un écrivain-pêcheur, nous livre ici une autobiographie forte et touchante. Il y raconte la douleur de l'exil, sa soif de connaissances, la volonté farouche de trouver un sens à sa vie quand on est déchiré entre ses racines et son désir de progrès. Sans jugement, il dit aussi le mépris dont sont victimes les siens. le gouvernement taïwanais n'ayant eu de cesse de vouloir les ‘'civiliser'', les acculturer, lisser leurs différences pour les fondre dans le peuple Han. Sans désir de revanche, il évoque ceux qui l'ont blessé, humilié, exploité, pour ne retenir que la force qu'il en a tirée. La force d'avancer, de penser, de se faire ses propres opinions. La force de lutter contre l'uniformisation, contre la condescendance, contre l'exploitation de son île. La force de s'élever contre les décisions prises pour lui et son peuple. La force de comprendre que, loin d'être des arriérés, les Tao sont bénis par les dieux de l'océan, que leurs traditions, leur folklore, leurs fêtes, leurs savoir-faire sont essentiels, inestimables, qu'il faut les préserver car ils sont une richesse pour les aborigènes, pour les Taïwanais, pour le monde.

Même si la conduite des Han et leurs préjugés envers les aborigènes laissent un goût amer, on sort grandi de cette lecture, avec l'impression d'avoir rencontré un homme et un peuple honnêtes et bons.

Merci à Pascaline et à l'Asiathèque pour cette belle découverte.

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Les yeux de l'océan : Mata nu Wawa

La précieuse maison d’édition L’Asiathèque nous propose un récit autobiographique d’un sexagénaire pêcheur sur Lanyu, « L’île des orchidées » au sud-est et administrée par Taiwan. L’ethnie Tao peuple cette île, administrée par le Japon, puis par la République de Chine (Taiwan). Ainsi, Syaman Rapongan nous présente d’abord les spécificités de sa culture (pêche, rapports aux esprits, médecine, langue, place des hommes et des femmes, etc.). Ce que craignaient les anciens de l’île s’est produit : les Han et la religion catholique (je n’ai pas compris pourquoi d’ailleurs, elle n’est pas majoritaire à Taiwan) ont grignoté la beauté de cette culture, à coup de subventions, alcools de riz, lectures de la bible. Syaman Rapongan part étudier sur l’île principale, un des premiers de sa génération, et sa vie sera modifiée à jamais. Il y subira des traitements vexatoires (enfin, quand on a lu Joothan, c’est difficile d’être aussi bouleversé et révolté).



Les Yeux de l’océan est un livre dépaysant, instructif, un peu trop long par moments, tout en retenue, il m’a manqué un peu d’émotion. Le style de l’auteur ne m’a ni déplu ni plu. Quelques tournures m’ont interpelé, et en général, quand une phrase interpelle le lecteur, c’est qu’elle réveille en lui une émotion, comme dans ce passage « Sur l'instant, j'ignorais si ma sœur, encore au début de la trentaine, pleurait de joie, ou si elle versait les larmes de la mal mariée ».



Les Yeux de l’océan est à conseiller pour tous les amoureux de l’Asie, ceux qui ont envie de lire quelque chose de différent, quitte à ce que cela soit un défi.


Lien : https://benjaminaudoye.com/2..
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Les yeux de l'océan : Mata nu Wawa

Syaman Rapongan est Tao, l'ethnie qui vit sur l'île des Orchidées dans l'archipel de Taiwan, une petite île volcanique de 45 km2, colonisée par le Japon, puis par la Chine. Il fut l'un des premiers à pouvoir partir sur la grande île Taiwan pour étudier. Anthropologue, pêcheur, traducteur, écrivain, navigateur, il revient sur son île natale pour y réapprendre la langue et les coutumes, écrire et témoigner de sa richesse.



C'est un livre classé roman autobiographique, dans lequel l'auteur peut, j'imagine, mettre une grande partie de sa vie et broder un peu sur d'autres aspects. Il alterne ou plutôt entremêle les légendes, les histoires de démons issues des traditions des Taos, les coutumes à des faits beaucoup plus terre-à-terre. C'est parfois un peu long, mais toujours très fort et instructif. C'est fort, parce qu'il raconte ce qu'il a vu et vécu, notamment dans la colonisation et le besoin des occupants d'annihiler les traditions et la langue des autochtones. Et ce prêtre qui veut se mêler des rituels locaux remis sèchement en place par l'un des hommes tao. "Le prêtre fit semblant d'admettre notre ignorance de "primitifs" face à la religion occidentale. Il resta silencieux ; sans opposer de résistance, il retint ses paroles et ne s'avisa plus de diriger les prières. [...] Il en est ainsi de chaque peuple, de sa conception du monde, et du "Dieu" qui lui est propre. Les "prêtres" venus d'Occident ont amené avec eux leur Dieu pour coloniser ceux des autres peuples. C'est une réalité dans l'histoire depuis 1492 et les Amériques : Bible et canons s'imposent avec violence, un nom de la parole divine." (p.48)



Puis vient le temps de quitter l'île pour étudier, bouleversement totale, il faudra se faire à la langue chinoise, passer outre les brimades, les injures reçues en tant qu'aborigène, prouver sa valeur par de l'achernement, du travail, oser ne pas forcément emprunter la voie par d'autres choisie...



Une vie pas banale, pas simple, assez simplement racontée, qui permet de mieux connaître l'histoire, la géographie, la politique de l'archipel et les hommes et femmes très différents qui le composent, qui luttent contre l'uniformisation.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Les yeux de l'océan : Mata nu Wawa

Voici un récit autobiographique passionnant et magnifique, traduit du chinois par Damien Ligot et préfacé par Guennaël Gaffric. L'ouvrage sort en librairie aujourd'hui. Merci à l'Editeur "l'Asiathèque" et à Pascaline de l'Agence de Presse Sabine Arman, de m'avoir fait confiance et de m'avoir permis de le lire en avant-première.



L'auteur Syaman Rapongan est né en 1957 sur Ponso no Tao, "l'île du peuple" appelée aussi Lanyu ou, en anglais, Orchis Island, "l'île des orchidées". Il nous raconte en cinq parties distinctes les événements qui ont marqué sa vie. En fin d'ouvrage, se trouve un court "cahier d'illustrations" avec les photographies de Véronique Arnaud.



L'auteur, dont le nom d'enfant est Cigewat, vit une enfance heureuse avec sa famille. Il ne connait rien du monde extérieur et n'en souffre pas. Son peuple, les Tao que l'on appelle aussi le peuple Yami, cultive les patates douces et le taro, vit de la pêche et revend même le surplus pour améliorer son quotidien. C'est un peuple qui vit en parfaite autarcie et en totale osmose avec l'océan.

L'enfance de l'auteur est marquée par les fréquents hommages rendus aux ancêtres et à l'océan. Ses parents tiennent à lui laisser en héritage la connaissance des traditions qui rythment les saisons. L'apprentissage se transmet aussi en suivant l'exemple des aînés, et oralement au travers des nombreux contes que les enfants écoutent attentivement. Il va à l'école mais préfère de loin les moments passés en famille ou à pêcher avec son père.

Dans le calendrier Tao il y a trois saisons. La plus importante débute en février-mars : c'est la saison des poissons volants. Elle marque le début de la pêche mais surtout des festivités. Les courants ramènent en effet près de l'île de nombreux poissons. Les hommes en habits traditionnels honorent l'océan et les poissons, qui représentent la base de leur alimentation, et qu'on ne capture pas n'importe comment. Pour les jeunes garçons, apprendre à pêcher fait partie des fondamentaux de la vie.

A seize ans, à la fin du collège, alors que sa famille s'y oppose parce qu'elle a peur qu'il perde son âme en devenant un Chinois han, Cigewat quitte son île pour entrer au lycée de Taitung (à Taïwan). Encouragés par l'instituteur et les professeurs du collège, ils sont plusieurs adolescents à quitter ainsi leur famille pour une durée de trois ans, après avoir réussi un examen d'entrée difficile pour eux qui ne maîtrisent pas encore bien le chinois.

C'est la première fois que Cigewat vient sur le "continent". Il en avait rêvé comme beaucoup de jeunes de sa génération, car cela fait partie des contradictions de la vie, partir, suivre le progrès, ou rester, il faut choisir. Mais lorsqu'il débarque à Taitung, il est un peu perdu. Il est aussitôt rebaptisé avec un prénom chinois, Shih Nu-lai, et ce qu'il découvre est bien loin de ce qu'il avait imaginé : il est à la fois intimidé car il ne peut s'exprimer librement, fasciné par tout ce qu'il ne connait pas, mais déçu parce que le racisme et la discrimination sont partout.

Les classes ont beau avoir de jolis noms comme "Loyauté", "Bienveillance", "Amour" ou encore "Justice", la réalité est toute autre et être d'une famille pauvre, l'handicape d'avance. Heureusement, il va se faire des amis. Pendant les vacances d'hiver ne pouvant rentrer chez lui, par manque d'argent et de transport rapide, il est d'office embauché avec ses autres camarades pauvres sur un chantier de déboisement. Ils seront exploités, devront travailler dur et seront moins payés que les autres travailleurs. Mais il découvrira un autre peuple et sa gentillesse, les bunun, un peuple autochtone des montagnes de Taïwan.

C'est pour l'auteur le début d'une nouvelle vie qui va le mener à une prise de conscience essentielle pour son avenir. Il réalise en effet que ce que lui a transmis ses parents, a une valeur inestimable. C'est ce qui déterminera plus tard, son engagement personnel. Il fera partie des mouvements de défense des droits autochtones et reviendra sur son île à la fin des années 80, afin de mettre en valeur et de faire connaître les pratiques culturelles, transmises par ses ancêtres Tao, toutes étroitement liées à l'océan.

A cette époque (dans les années 80-90) à Taïwan on considérait encore les autochtones comme des sauvages, des êtres arriérés...qu'il fallait civiliser et transformer. Lui-même ne sait plus qui il est, ne sait pas s'il va poursuivre ses études après le lycée. La voie qu'on lui propose ne lui convient pas et il tâtonne ne sachant que faire de son avenir. On le considère comme un élève moyen, mais en fait ce n'est pas le cas, il est surtout difficile pour lui de vivre, de penser et de se comporter comme un véritable chinois, ce que tout le monde attend de lui. Il a besoin de cette éducation, car il sent que son avenir est en jeu, mais d'un autre côté il voudrait ne pas subir l'emprise des Han.

Sa vie ne sera pas un long fleuve tranquille et il va devoir se battre, travailler dur pour se payer ses études en exerçant différents métiers tous plus fatigants et mal payés les uns que les autres. Il connaîtra de nombreux échecs et sera souvent déçu. Mais il sera le premier Aborigène de Lanyu à entrer à l'Université par ses propres moyens. Il a de quoi être fier. Il étudiera d'abord à Tamkang dans le département de français puis rentrera sur son île avant de reprendre des années après ses études à l'Institut d'anthropologie de l'université de Tsing-hua. Il voyagera beaucoup et rencontrera de nombreux peuples de la mer dans le Pacifique (ou ailleurs) ce qui lui permettra de les localiser enfin sur la carte (car sur celle que l'instituteur lui avait montrée enfant, aucune n'apparaissait et même Lanyu, n'y était pas mentionné !)

Enfin, il rencontrera comme son père l'avait prédit, de nombreuses "mauvaises personnes" mais aussi des bonnes qui lui tendront la main et lui permettront de devenir ce qu'il est devenu aujourd'hui, un écrivain de l'océan, un adulte engagé qui n'hésite pas à se battre pour le maintien des droits de son peuple et le respect des traditions.



Je lis rarement des autobiographies c'est vrai. Mais celle-ci se lit comme un roman. Dans un style réaliste et fluide, l'auteur qui est une belle personne, nous parle de son expérience douloureuse de l'exil. Mais de cet exil et de ses souffrances, il a su tirer une force qui l'aide aujourd'hui à se battre pour son peuple afin qu'il conserve sa dignité et fasse connaître au monde la richesse de sa culture.

J'ai beaucoup aimé la poésie qui se dégage de son texte quand il nous parle de son grand amour de toujours, l'océan.

J'ai beaucoup aimé aussi tout ce que j'ai appris sur ce peuple resté longtemps protégé, de la fabrication de leur bateau en bois jusqu'à la construction et l'organisation de leurs maisons traditionnelles, en passant par leurs traditions dont je ne savais rien, ainsi que les liens familiaux qui les unissent, mais aussi ce que j'ai appris sur l'histoire et la vie à Taïwan dans les années 70-80.

J'ai beaucoup aimé les moments d'émotion intense, les paroles de son père et les larmes de sa mère, les retours sur son île, là où il se sent enfin chez lui, enfin.

J'ai beaucoup aimé le fait qu'il remercie tous ceux qui l'ont fait souffrir ou qui l'ont exploité parce que c'est grâce à eux qu'il est devenu ce qu'il est aujourd'hui.

Enfin, j'ai beaucoup aimé l'humour qui est bien présent dans le texte quand il raconte les frasques de son groupe de grands lycéens, encore naïfs car à peine sortis de leur île.

J'ai comme lui eu peur que ce peuple profondément honnête, perde à jamais son âme.



La seule chose que j'ai regretté c'est de ne pas en savoir plus sur les femmes hors l'amour qu'elles portent à leurs enfants, les larmes qu'elles versent quand ils s'en vont au loin, les histoires qu'elles aiment leur raconter et la situation pas très enviable de sa grand sœur qui est partie vivre loin des siens mais ne semblent pas plus heureuse avec ses cinq enfants.



Un livre à découvrir et à prendre le temps de savourer qui me donne envie d'en apprendre encore davantage sur ce peuple et me donne envie de connaître les autres écrits de cet auteur qui se bat pour la survie de sa culture.



Bonne lecture !

En complément sur mon blog, l'histoire résumée de cette petite île...
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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Les yeux de l'océan : Mata nu Wawa

J'ai trouvé ce récit autobiographique absolument passionnant !



Pour moi qui m'intéresse beaucoup à l'histoire et aux cultures de Taïwan, ce livre s’est révélé être une précieuse source d’informations, avec un point de vue totalement différent de ce à quoi je suis habituée. J'y ai appris énormément, et cela me donne envie de me renseigner davantage sur les cultures aborigènes.



Je vous le recommande !
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