Le xxe siècle nous a légué trois nouvelles problématiques en matière de philosophie du langage : l’approche formelle des langues naturelles (la « mathématisation » de la grammaire), la « naturalisation » du langage et la relativité linguistique. C’est indubitablement entre ces trois problématiques que doit, aujourd’hui, s’orienter la discussion philosophique.
Le concept de « langue formelle » est une innovation importante dans l’histoire de la logique ; il a donné naissance à une nouvelle branche des mathématiques. Son extension est liée à celle de la notion de « calcul » non plus comme l’ont fait Leibnizou Boole en inventant un calcul différent du calcul arithmétique, mais en généralisant absolument la notion de calcul à l’aide de la « machine de Turing » ou d’autres notions présumées équivalentes (fonctions récursives générales ou lambda-calcul, etc.). La « mathématisation » de la grammaire est certainement l’un des grands apports scientifiques du xxe siècle. Elle a largement concouru au traitement automatique des langues naturelles, dont les progrès sont l’une des principales frontières technologiques de notre époque. Elle a également permis des avancées conceptuelles. Par exemple, le linguiste N. Chomsky a pu classer différents types de grammaires « mathématisées » en fonction du type de phrase qu’elles peuvent engendrer.
La question de l’origine des langues, comme celle de l’origine de l’homme à laquelle elle est irrémédiablement liée, a été abordée de multiples façons tout au long de notre histoire intellectuelle : mythes archaïques et/ou religieux, théories philosophiques (cf. le Cratyle de Platon), spéculations plus ou moins oiseuses, récits d’expériences improbables colportées durant des siècles (voire des millénaires, lorsqu’on les attribue à un pharaon), travaux des linguistes, anthropologues, archéologues et biologistes. Peu de sujets ont bénéficié d’une préoccupation aussi constante et passionnée.
Les Grecs ne s’intéressaient guère à la question, peut-être parce qu’ils ne s’intéressaient pas à la diversité des langues « barbares », et l’abordaient marginalement par la donation des noms (le Nomenclateur) et leur rapport au nommé qui suscite des débats philosophiques sur la nature du langage (« étymologie », c’est-à-dire « vérité » des noms ; naturel ou arbitraire). La donation des noms est une procédure déjà codifiée dans les sociétés orales en ce qui concerne les noms propres humains, puisqu’il s’agit d’inscrire la place des individus dans la société ; elle suscite souvent des explications mythiques.
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