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Citation de Erik35


Un soir, en rentrant de la mine, Victor-Flandrin remarqua que le sourire de sa grand-mère flottait sur son visage avec plus d'ampleur et de clarté encore que de coutume. Elle était assise à table, en train de peler des pommes. Il vint s'assoir en face d'elle et, lui prenant les mains, il les serra dans les siennes en silence. Il ne savait que dire devant un tel sourire où Vitalie semblait s'absenter toujours davantage jusqu'à s'y dissoudre presque. Ce fut elle qui prit la parole après un moment. « Demain, lui dit-elle, tu n'iras pas à la mine. Tu ne retourneras jamais là-bas. Tu dois partir, quitter ce lieu. Va-t'en où bon te semblera, mais pars, il le faut. La terre est vaste, et quelque part certainement existe un coin où tu pourras bâtir ta vie et ton bonheur. Peut-être est-ce tout près, peut-être est-ce très loin.

« Vois-tu, nous n'avons rien. Le peu que j'ai eu autrefois, je l'ai perdu. Je ne peux rien te donner, sinon le peu qui va rester de moi après ma mort, --- l'ombre de mon sourire. Emporte-la, cette ombre, elle est légère et ne te pèsera pas. Ainsi ne te quitterai-je jamais et resterai-je ton plus fidèle amour. Et cet amour, je te le lègue, il est tellement plus grand, plus vaste que moi. Dedans passent la mer, les fleuves et les canaux, et tant de gens, hommes et femmes, et des enfants aussi. Ce soir, sais-tu, ils sont tous là, autour de moi. » Puis elle se tut, soudain distraite par quelque présence invisible et s'égara dans son drôle de sourire comme si elle n'avait rien dit, comme si rien ne se passait.

Victor-Flandrin voulut la retenir, lui poser des questions car il ne comprenait pas ces mots étranges qu'elle venait de lui dire d'un ton à la fois si tendre et distant, --- d'un air d'adieu, mais il se sentit pris par un irrésistible sommeil et sombra lourdement sur la table, sa tête roulant dans les pelures de pommes, ses mains toujours tenant celles de sa grand-mère. Lorsqu'il se réveilla, il était seul. À la place de Vitalie tremblait une lueur légère comme une brume dorée par le soleil levant. Sitôt qu'il se leva de sa chaise et appela sa grand-mère la lueur glissa sur le sol et, tournant à travers la pièce, elle vint se fondre dans son ombre.
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